Autonomes de François Bégaudeau
(Fr., 2019, 1 h 50)
Ce documentaire à double-fond fictionnel portraitise une série d’individus au mode de vie alternatif. Autonomies devait sortir début avril, avant que le confinement ne repousse sa sortie à cet automne. Le voir aujourd’hui prend une saveur différente, tant la question de la vie en autarcie a pris une dimension nouvelle. Qu’est-ce que l’autonomie ? Dans ce film réalisé en Mayenne, l’écrivain, critique littéraire et scénariste tente d’apporter un début de réponse en proposant une série de portraits bruts et sans voix off de personnes ayant fait le choix de vivre en marge de la société. Ici, un couple ayant retiré son enfant de l’école et vivant dans une maison autosuffisante. Là, les nonnes d’un monastère fabriquant elles-mêmes la majorité de leurs biens. Plus loin, un magnétiseur aux airs de skinhead. Mais ce que raconte cette somme de pratiques et d’idéaux n’est pas vraiment un petit manuel déclinant les diverses stratégies pour sortir de la société de consommation. Autonomes s’attache plutôt à décrire la persistance de croyances – dans des savoirs ancestraux, dans le système D ou dans une forme de spiritualité – opposées à la croyance aveugle dans le capitalisme. Le réalisateur de N’importe qui (2016, documentaire sur la représentativité démocratique, déjà réalisé en Mayenne) double cette réflexion sur la croyance dans la forme même de son film. Il y met en crise son approche documentaire pour l’intervention d’une sorte d’homme des bois survivaliste dont on réalise au bout d’un certain temps que son caractère grand-guignolesque ne peut pas venir d’ailleurs que du champ de la fiction. Par ce tour de passe-passe assez réussi, Autonomes achève son projet politique, qui est de nous pousser au doute, à oser remettre en cause nos croyances, première condition de l’autonomie de la pensée.