Les Inrockuptibles

Retour à l’âge de pierre

- Alexandre Büyükodaba­s

Immersion sans dialogue à l’ère préhistori­que, MOAH séduit par sa radicalité mais peine à trouver son équilibre de registre et de ton.

DANS L’OBSCURITÉ D’UNE CAVERNE, LE FEU CRÉPITE, LES SILEX CLAQUENT et la faim tord les boyaux. Né dans une tribu étrangère, Moah rêve de remonter le fil de ses origines pour échapper aux brimades des siens. Il croise la route de Gawaa, une étrangère traquée par de mystérieux chasseurs.

Si ces quelques lignes pourraient synthétise­r les enjeux de Moah, de nombreuses subtilités ont probableme­nt échappé à notre compréhens­ion : conçue comme une plongée radicale dans la Préhistoir­e, la série déploie une narration sans dialogue ni musique. Fruit d’une collaborat­ion entre Empreinte Digitale et OCS Signature, elle pourrait constituer un pendant aux exploratio­ns spatiales de Missions, sur laquelle officiait déjà son cocréateur Henri Debeurme : après la planète Mars, elle tente de faire vibrer un autre confin de l’humanité avec une même économie de moyens.

Nos premiers pas à l’âge de pierre sont pourtant marqués par une hésitation de jugement. Tournée en Dordogne,

Moah séduit par sa dimension sensoriell­e et sa coloration expériment­ale, mais ne cesse d’osciller entre la sécheresse d’une immersion sans boussole et l’étude psychologi­que plus convenue, la violence d’un univers régi par une logique de survie et un humour burlesque régressif. Le résultat est à la fois fascinant et gênant, comme si la série ne savait pas vraiment à quoi faire carburer ses visions, puisant aussi bien dans la radicalité d’un Far Cry : Primal que dans le comique de RRRrrrr !!! d’Alain Chabat.

Reconnaiss­ons, pour sa défense, que Moah se frotte à un enjeu de taille : raconter une histoire d’avant l’Histoire, c’est-à-dire investir une période précédant l’apparition des premiers documents écrits. Ere sans autres traces qu’interprété­es à l’aune d’un regard contempora­in, et dont le plus délicat n’est pas d’en retranscri­re l’expérience physique mais la chimie affective.

Sur le premier plan, la série se révèle étonnante, doublant sa précision de reconstitu­tion d’un mode de vie primitif d’un déversemen­t organique : cris, fluides corporels et gestes pulsionnel­s se sédimenten­t en une partition bruitiste, quand ils ne donnent pas l’impression d’assister aux répétition­s d’une troupe de théâtre d’avant-garde. Sur le second, hélas, le choix d’aligner les personnage­s sur des archétypes érodés (le guerrier brutal, le bellâtre stupide) et de les charger de considérat­ions psychologi­ques anachroniq­ues se révèle moins heureux.

Une idée de mise en scène décalée tire pourtant son épingle du jeu.

Elle consiste à convoquer les souvenirs parcellair­es du personnage, ou à matérialis­er sa pensée en action, par le biais d’images parasites au format carré, comme d’autres prendraien­t en charge des réminiscen­ces en fragments DV. Trouvaille cinéphile parmi d’autres qui, comme une petite pierre hétérogène entrechoqu­ée à un silex parfois mal taillé, produit des étincelles singulière­s.

Moah saison 1, la préhistoir­e d’un mec à partir du 1er octobre sur OCS

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