Les Inrockuptibles

Du rap en ballades

- Xavier Ridel

Aux confins de la trap et du folk, le Stéphanois ZED YUN PAVAROTTI livre un beau premier album, plus lumineux que sa mixtape French Cash de l’an passé.

PÉTRIE DE SYMBOLES, À LA FOIS TRÈS ACCESSIBLE ET NIMBÉE DE MYSTÈRE, la musique de Zed Yun Pavarotti tient une place à part dans le paysage du rap français. Alors qu’il se révélait en 2019 avec une deuxième (et excellente) mixtape, French Cash, voici le Stéphanois de retour avec son premier lp, Beauseigne. Un titre qu’il nous explique ainsi : “A SaintEtien­ne, ‘beauseigne’ veut dire pauvre garçon, bichette quand un enfant s’est par exemple fait mal. Tout le monde l’utilise, sans différence d’âge ni de classe sociale. C’était une évidence que de le choisir comme intitulé d’album.”

Et on comprend aisément pourquoi. Le garçon a toujours clamé son amour pour sa ville natale (qu’il a aujourd’hui quittée pour Biarritz, après un bref passage à Paris), et ses chansons contiennen­t une profonde part de nostalgie, voire de tristesse sans âge. Pourtant, quelque chose semble bien avoir changé depuis French Cash. Loin des ego-trips, des monstres et des ombres qui hantaient ce recueil aux production­s très sombres, Beauseigne paraît presque lumineux par endroits. Même si elles conservent leur mélancolie, les chansons de Zed Yun Pavarotti paraissent plus portées sur le rêve, la lumière et les espaces vierges, et moins sur les gouffres intérieurs. “Ce n’était pas réfléchi, mais je pense que ça tient majoritair­ement au fait que j’ai grandi. Je me sens en accord avec moi-même, et je suppose que ça se ressent dans mes textes.”

Sur le plan musical, également, un changement s’est opéré. On retrouve plus de guitares qu’auparavant, et Beauseigne est finalement autant un disque de folk-rock que de rap. Si les titres d’ouverture (notamment les superbes Beauseigne, Lalaland et Mon Dieu) restent construits sur des rythmiques trap, voire boom-bap, la seconde partie vient creuser des sillons plus acoustique­s. “Il y a eu un vrai processus de radicalisa­tion. C’est venu avec le temps, mais j’ai fini par trouver mon style, par comprendre que j’étais surtout touché par des ballades folk. Même s’il n’y a aucune opposition par rapport au rap, même s’il y a d’autres styles abordés dans l’album, j’avais envie de composer des chansons, des ballades.”

Toujours accompagné par son pote Osha, dont il convient de saluer le travail, Zed Yun Pavarotti livre donc treize morceaux aux ambiances variées, qui tirent leur cohérence de la production d’ensemble, mais aussi des paroles et des images livrées par le chanteur. Si les monstres ne sont jamais loin chez lui, Zed Yun Pavarotti semble ici les dépasser pour accéder à des paysages vierges aux senteurs d’éternité. Et l’album a beau comporter quelques longueurs, on relèvera surtout de très belles réussites, comme ce Rien final à la fois fiévreux et délicat en piano-voix.

Beauseigne (Artside/Caroline)

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