Maternal de Maura Delpero
Avec Lidiya Liberman, Denise Carrizo, Agustina Malale (It., Arg., 2019, 1 h 29)
Un premier long qui interroge avec pudeur les différent rapports à la maternité.
C’est un petit monde esseulé et plein de vie, dont on ne saurait dire s’il tient du refuge ou de la prison. A l’intérieur de ce foyer religieux argentin pour mères adolescentes, se dessine une relation triangulaire entre deux jeunes mères de 17 ans et Paola, une soeur apprentie tout juste arrivée d’Italie. La maternité précoce des adolescentes se confronte à la maternité absente de la religieuse, chacune questionnant l’autre sur son rapport à la maternité. Puis-je aimer même si je m’y prends mal ? Puis-je désirer ce que ma fonction refuse ? L’évidente première réussite du film de Maura Delpero tient dans la rigoureuse restitution de ce microcosme multigénérationnel volontairement maintenu en hors-champ de la société. Un trait sec et pourtant tout sauf austère, la chaleur et la justesse des scènes quotidiennes sont la marque indélébile du regard aiguisé de la cinéaste lors de différents exercices documentaires réalisés dans le passé.
Si la fiction a fait des hommes et femmes d’Eglise pris·es de déréliction et happé·es par la tentation de la chair un sujet de prédilection, si ce n’est un genre en soi, Maternal s’en démarque en opérant un renversement. Ainsi le lien affectif, telle une mère de substitution, qu’offrira Paola à une enfant délaissée n’apparaît ici plus comme un détournement de la foi mais comme son application directe. Cela donne les plus belles scènes du film où, à la nuit tombée, la religieuse, d’une douceur inquiétante, arrache secrètement de son lit l’enfant seule pour la faire dormir à ses côtés. De mères à soeur, le film leur trouve ainsi une voie par la transgression même. Dépasser pour mieux révéler, derrière l’étiquette sociale, les doutes et les paradoxes des êtres, et qu’enfin ils puissent trouver leur place.