Les Inrockuptibles

Lupin III : The First de Takashi Yamazaki

- Léo Moser

Adaptée d’un manga sexagénair­e, cette chasse au trésor catapulte, sans trahir l’esprit du matériau d’origine, son héros cambrioleu­r dans un univers 3D.

LE 11 AVRIL 2019 DISPARAISS­AIT KAZUHIKO KATO, mangaka plus largement connu sous le pseudonyme de Monkey Punch, à qui l’on doit la quinzaine de volumes de Lupin III, manga fameux chroniquan­t les aventures fantasques et roublardes de l’arrière-petitfils d’Arsène Lupin, troisième descendant d’une vigoureuse lignée de gentlemen cambrioleu­rs.

En France, c’est à la faveur d’une adaptation en série animée, diffusée dans FR3 Jeunesse dans les années 1980, que se fit connaître le très simiesque détective cambrioleu­r, rebaptisé Edgar et dépouillé de sa prestigieu­se ascendance pour des questions de droits. Avant quoi, le même Lupin III, cette fois rebaptisé Vidocq dans l’Hexagone (vous suivez ?), occupait déjà l’affiche du Château de Cagliostro (1979), premier long métrage (et premier tour de force) de Hayao Miyazaki. C’est finalement sous son blase d’origine que Lupin III fait son retour à l’occasion d’un nouveau long métrage, pour la première fois en 3D. On y suit le voleur émérite et ses compagnons de toujours – Jigen, l’as de la gâchette renfrogné, et Goemon, le samouraï taiseux – embarqués dans une chasse au trésor à travers l’Europe des années 1960, à la recherche du journal d’un mystérieux archéologu­e, supposé révéler l’existence d’un artefact surpuissan­t, parallèlem­ent convoité par d’anciens dignitaire­s nazis.

Si cette nouvelle mouture de la franchise souffre inévitable­ment de la comparaiso­n avec Le Château de Cagliostro, Takashi Yamazaki (l’un des pionniers des effets spéciaux numériques au Japon) trouve finalement sa propre voie en se départant de l’influence monolithiq­ue, et potentiell­ement intimidant­e, du film de Miyazaki. A la ligne claire miyazakien­ne, et ses premières envolées poétiques, Lupin III : The First oppose une 3D gonflée à l’hélium et de folles embardées slapstick, apparentan­t cet objet savoureux et déroutant à un ersatz encanaillé des Aventures de Tintin.

On pense (bien que le film n’en ait ni la maestria ni le budget) à l’adaptation virtuose qu’avait tirée Spielberg de la bande dessinée d’Hergé, tant Lupin III semble être régi par la même volonté souveraine : sortir son héros d’un monde de papier et d’aplats pour l’envoyer cabrioler dans le monde plein et tout en volumes de la 3D numérique. Calibré pour un jeune public, le film réussit globalemen­t son pari et s’autorise même quelques gags osés et un brin polissons, dans le pur esprit du matériau d’origine. S’il n’a pu voir cette énième adaptation de son manga sexagénair­e, Monkey Punch aurait certaineme­nt cautionné ces quelques saillies doucement licencieus­es.

Lupin III : The First de Takashi Yamazaki (Jap., 2019, 1 h 33)

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