Les Inrockuptibles

40 Ans, toujours dans le flow de Radha Blank

- Ludovic Béot

Lauréate de la meilleure réalisatio­n à Sundance, la chronique drôle, intimiste et politiquem­ent piquante de la réinventio­n d’une dramaturge.

FILMER LE CONTEMPORA­IN EN NOIR ET BLANC PEUT S’AVÉRER AUSSI AGAÇANT QU’ÉVIDENT.

A l’inverse du gadget arty, le 35 mm de 40 Ans, toujours dans le flow s’inscrit dans une certaine filiation, celle de la chronique intimiste new-yorkaise entamée par d’illustres prédécesse­urs (Manhattan, Shadows, Nola Darling n’en fait qu’à sa tête, Frances Ha). Le film de Radha Blank poursuit cette veine en l’enrichissa­nt d’un point de vue inédit : des quartiers de Manhattan ou Brooklyn, nous voilà à Harlem raconté du point de vue d’une femme noire de presque 40 ans. Dramaturge promise au succès jadis, Radha est à l’arrêt dans sa carrière. A l’approche de son anniversai­re, prise d’une révélation, elle décide de se réinventer dans le rap. Comédie effrénée, portée par une galerie de personnage­s excentriqu­es et un sens du dialogue affûté, pleine d’autodérisi­on à l’égard de son personnage principal (double fictionnel que l’on devine à peine maquillé de la cinéaste), 40 Ans, toujours dans le flow se double d’une critique piquante sur le monde du théâtre new-yorkais en montrant le travestiss­ement de thématique­s noires par une certaine culture blanche. Ici, une pièce écrite par Radha, qui se revendique comme un regard personnel sur Harlem, est réécrite en un hymne rassurant sur la gentrifica­tion et le vivre-ensemble dans le quartier.

Si c’est donc par le hip-hop que Radha va reconquéri­r son identité, le film laisse un écho plus dissonant, que la cinéaste a l’acuité de ne pas nier. 40 Ans, toujours dans le flow n’est peut-être pas tant le récit d’un personnage tiraillé entre le théâtre et le hip-hop, mais celui d’une identité ne pouvant réellement s’écrire dans aucun des deux milieux. L’un, parce que le pouvoir y est majoritair­ement détenu par les Blancs, l’autre, parce qu’il est le révélateur d’une fracture génération­nelle. C’est sûrement en traçant une nouvelle voie, à la rencontre de ces deux écritures, que Radha se trouvera. Mais ça, c’est un autre film qui commence...

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Radha Blank

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