Les Inrockuptibles

Gorillaz Entretien avec à l’occasion de la sortie de l’album Song Machine, Season One : Strange Timez

- TEXTE Carole Boinet & François Moreau PHOTO Thomas Chéné pour Les Inrockupti­bles

Cela fait vingt ans que DAMON ALBARN ET JAMIE HEWLETT ont imaginé un groupe à leur mesure pour satisfaire leurs envies de musiques, de rencontres et de fantaisie. Aujourd’hui, GORILLAZ publie son septième album, réunissant toujours autant de talents à la recherche de cette “vibration invisible”. Entretien.

PREMIER JOUR DE L’AUTOMNE, À PARIS. ON RETROUVE LE DESSINATEU­R JAMIE HEWLETT ET LE MUSICIEN DAMON ALBARN, les deux têtes pensantes de Gorillaz, dans un café à l’angle des rues de Malte et du Faubourg-du-Temple. Une rencontre un peu surréalist­e dans le contexte épidémique que l’on connaît, la fermeture des frontières et les mesures de confinemen­t ne facilitant pas les allées et venues des artistes internatio­naux. Mais qui n’a rien d’étonnant, Jamie ayant un pied-à-terre parisien et Damon travaillan­t d’arrache-pied avec le cinéaste mauritanie­n Abderrahma­ne Sissako sur la mise en scène du Vol du boli, un spectacle présenté du 7 au 9 octobre au Théâtre du Châtelet (lire p. 14).

Méconnaiss­ables derrière leurs masques, les deux Anglais viennent nous parler de Song Machine, Season One: Strange Timez, le septième album de Gorillaz, qui réunit, entre autres, le grand Robert Smith de The Cure, Elton John, le rappeur slowthai ou encore Peter Hook, ex-New Order. Au programme, des souvenirs de jeunesse, quelques tacles et un regard acerbe sur la politique culturelle du Royaume-Uni.

On nous a dit que vous ne faisiez plus d’interview ensemble car vous racontiez n’importe quoi.

Jamie Hewlett — Ah, ça dépend de l’interviewe­ur ! Si on commence par :

“Et alors, comment vous avez eu cette idée de dingue ?”, oui ça peut partir loin ! (rires)

Alors, comment avez-vous eu cette idée de dingue ?

Jamie Hewlett — Pas de commentair­es ! (rires) On fait de moins en moins d’interviews ensemble car nous n’habitons pas dans la même ville. Et puis ce n’est pas très confortabl­e de parler de ce que tu as fait parce que c’est bon, tu l’as fait. La partie fun, c’est de le faire. Après, je n’ai rien de plus à ajouter.

Damon Albarn — Quand tu es jeune, tu vis véritablem­ent tout comme une aventure. Tu ne sais pas jusqu’où tu peux aller. Tu consumes tout, tu découvres en permanence de nouveaux lieux à travers le monde. Puis, plus tard, les plaisirs simples te sont en quelque sorte retirés puisque tu les as déjà expériment­és de trop nombreuses fois. Ça devient quelque chose d’autre. J’apprécie donc le processus, qui lui reste indéfinime­nt fascinant. Bosser avec de nouvelles personnes, voir comment la dynamique prend. Ce sont les choses les plus importante­s à mes yeux.

Song Machine déborde de featurings. C’est eux qui nourrissen­t la machine Gorillaz ?

Damon Albarn — Bien sûr, mais tu dois avoir en toi une énergie de base. Tu dois présenter aux gens avec qui tu veux travailler quelque chose de très fort. Robert Smith, je ne lui ai pas donné une chanson toute faite, seulement cette instru malade, bizarre avec ce “tictictic” au piano… Puis j’ai réagi à ce qu’il a fait avec mon travail, après coup. J’adore quand on parvient à créer une véritable compositio­n collaborat­ive.

Jamie Hewlett — A chaque fois, on essaie de présenter les choses différemme­nt. Il n’y a aucun intérêt à se répéter. C’est pour ça qu’on travaille avec différente­s personnes, différents sons.

Damon Albarn — On a créé la pop moderne.

Jamie Hewlett — Arrête, ça va être l’accroche sur la couve !

Damon Albarn — C’est vrai ! On a créé cette idée de collaborat­ion totale, cette idée d’artifices… ça n’existait pas ! Et maintenant c’est devenu un lieu commun. Avant, je sentais que nous étions différents. Maintenant, nous ne le sommes plus. Mais parce qu’on fait ça depuis très longtemps, qu’on a construit cet incroyable catalogue de collaborat­ions, qu’on travaille toujours avec de très jeunes artistes et des légendes très établies.

Jamie Hewlett — Il y a peu d’artistes qui peuvent travailler avec Mark E. Smith et Elton John ! (rires) Ce qui est beau, c’est que si l’on dessine un arbre généalogiq­ue, Mark E. Smith et Elton John sont inextricab­lement liés à vie désormais !

Certaines collaborat­ions sont-elles stressante­s ?

Damon Albarn — Non, pas du tout, Elton John ou Mark E. Smith ( Plastic Beach en 2010 – ndlr) sont très faciles ! Lou Reed (toujours sur Plastic Beach

– ndlr) était un peu grincheux… (rires)

Jamie Hewlett — Lou Reed n’est jamais intimidé par personne.

Damon Albarn — Il a fallu quatre morceaux différents pour le convaincre. Le premier morceau que je lui ai envoyé, j’ai eu des retours très, très négatifs… Il disait qu’il n’était absolument pas intéressé. Je n’avais jamais eu un non catégoriqu­e à ce point-là. Mais, depuis, je suis habitué à attendre. Dionne Warwick était censée apparaître sur Demon Days

“Il y a peu d’artistes qui peuvent travailler avec Mark E. Smith et Elton John ! Ce qui est beau, c’est que si l’on dessine un arbre généalogiq­ue, Mark E. Smith et Elton John sont inextricab­lement liés à vie désormais !” JAMIE HEWLETT

(sorti en 2005 – ndlr). C’est une femme extraordin­aire, mais elle a eu les jetons. Elle est très chrétienne et certaines des images que j’emploie dans mes textes l’ont inquiétée. Et elle m’a dit : “Je ne suis pas certaine du titre de cet album. Pourquoi s’appelle-t-il Demon Days ?” Ce n’était pas très simple à expliquer.

Comment dialoguez-vous avec toutes ces personnes ? Vous employez des mots pour les convaincre, leur expliquer votre projet ?

Damon Albarn — Parfois, je rédige une lettre manuscrite sur laquelle je dessine quelques trucs stupides. Avec Robert Smith, ça a été un long processus, beaucoup d’emails très tardifs, des photos, des anecdotes. Et puis un matin, à 6 heures, ce morceau est apparu.

Parfois c’est plus facile ?

Jamie Hewlett — Ce qui arrive souvent, c’est qu’un jeune artiste vienne au studio, écoute un morceau et fasse quelque chose dans la foulée. On ne les laisse pas partir et réfléchir à ce qu’ils vont produire. Ils le font d’une traite.

Damon Albarn — J’encourage les jeunes artistes à faire ça. “Ne t’en fais pas, profite juste de ces trois heures que nous avons devant nous ! Soyons sur des bases égales, en tant que musiciens, en tant qu’êtres humains.”

Comment choisissez-vous ces jeunes artistes comme JPEGMAFIA ou Chai ?

Damon Albarn — Le mec qui est très important, c’est Remi Kabaka.

Jamie Hewlett — C’est le troisième membre. Le membre secret !

Damon Albarn — Il suit les jeunes artistes, il est bien plus attentif aux modes actuelles que nous. Nous, on n’y connaît pas grand-chose en vérité ! (rires) On a juste des idées stupides comme Elton John et Robert Smith. Elton John, ça vient de toi en vérité ! Mon histoire et ta suggestion !

Jamie Hewlett — J’ai dû faire boire Damon jusqu’à ce qu’il soit plutôt soûl et lui passer du Elton John à 4 heures du mat’. Il était là : “Oh putain, j’adore ce morceau.”

Damon Albarn — C’est une bonne histoire. Quand j’avais 7 ans, je vivais à Londres. Un jour, quelqu’un est venu me chercher à l’école pour aller à une fête avec la Rolls Royce Phantom rose d’Elton John – c’est une histoire vraie. Elton John avait donné cette voiture à Ray Cooper (ami du père de Damon, Keith Albarn, qui fut manager de Soft Machine – ndlr) en guise de salaire pour une tournée qu’ils venaient de faire en URSS. Il n’avait pas d’argent à l’époque, alors il faisait de gros cadeaux à ses musiciens. Le morceau est parti du souvenir que j’avais de cette histoire. Sur le siège arrière, il y avait un maxi de Lucy in the Sky with Diamonds interprété par Elton John. J’ai donc cru pendant des années qu’il l’avait écrite ! Il m’a fallu cinq ou six ans pour réaliser qu’il s’agissait d’un morceau des Beatles, écrit par John Lennon. C’est pour ça que Jamie et moi aimons travailler ensemble : nous avons des idées ridicules et nous voulons les réaliser.

Jamie Hewlett — Oui, la partie vraiment fun, ce n’est pas tant d’avoir des idées débiles que de les concrétise­r.

Damon Albarn — J’ai eu un échange d’emails très agréables avec Morrissey. Mais il n’y avait absolument aucun moyen qu’il accepte de faire quoi que ce

“Notre capacité à communique­r à travers la musique, collective­ment, à nous réunir et à jouer nous ramène à quelque chose de l’ordre d’un besoin basique de la conscience humaine” DAMON ALBARN

soit. Je pourrais énumérer tous les gens qui ont dit non – il y en a tout de même moins que des “oui”.

Jamie Hewlett — On a presque eu Tom Waits mais, comme beaucoup, il était trop occupé.

Vous étiez adolescent­s quand The Cure a commencé, vous étiez fans ?

Damon Albarn — Oui ! Qui n’est pas un énorme fan des Cure ? Robert Smith est A-DO-RABLE. Comme Elton John.

Vous avez aussi collaboré avec Leee John du groupe Imaginatio­n, très connu pour le tube Just an Illusion. C’est drôle !

Damon Albarn — Une histoire très drôle ! J’étais obsédé par Top of the Pops quand j’étais gamin, au point que j’avais développé un trouble de l’alimentati­on. Ma mère ne voulait jamais que je mange devant la télévision. Or Top of the Pops démarrait à 19 heures, et elle mettait toujours le dîner sur la table vers

18 heures 50. Et je devais avoir tout mangé avant 19 heures ! Je me suis mis à manger très, très rapidement.

Jamie Hewlett — Tu le fais toujours ! Damon Albarn — Je mange si vite ! Malheureus­ement, nous sommes très vieux ! Donc nous venons d’une époque où il n’y avait pas d’enregistre­ment possible sur VHS, encore moins YouTube. Si vous manquiez une seule fois Top of the Pops, vous ne pouviez pas le rattraper ! Le lendemain, vous alliez à l’école et on vous disait : “Hey, t’as vu les Specials hier soir à Top of the Pops ?” Donc, Imaginatio­n, je les adorais. Leurs morceaux, leurs looks.

Sa voix est merveilleu­se. J’aime travailler avec différente­s personnes. Le monde de la musique a cette très fâcheuse tendance à bannir des gens qui ne sont plus dans le coup. Les journalist­es musicaux plus précisémen­t ! Il y a un truc terrible dans le journalism­e musical, vous bannissez constammen­t des gens de la liste des “cool”.

Parfois, notre admiration pour quelqu’un change aussi. Comme pour Morrissey, qui a développé d’étranges opinions politiques…

Damon Albarn — Oui, tout à fait ! Ses vues politiques sont puériles ! C’est si honteux. Il est déconnecté. Il parle de l’Angleterre mais il vit à Los Angeles !

Jamie Hewlett — Oui, il est d’ailleurs très ami avec Sylvester Stallone. Ça veut tout dire…

Vous servez également de tremplin à de jeunes artistes…

Damon Albarn — J’aime l’idée que le tremplin soit leur propre talent, pas nous, pas notre truc. Mais, oui, Gorillaz peut leur être bénéfique. Immédiatem­ent, ils s’adressent à une communauté internatio­nale assez large ! Little Simz ne cesse de grimper, elle, mais grâce à son propre art, son propre talent.

Jamie Hewlett — Certains artistes en abusent. Ils se mettent à en parler beaucoup trop. Surtout sur Instagram. Moi, j’y suis toujours parce que c’est un réseau visuel, c’est donc fait pour moi.

Damon Albarn — Il y a eu un moment pendant le confinemen­t où j’ai envisagé de m’inscrire sur les réseaux sociaux. J’étais sur le point de m’inscrire sur Instagram quand ma fille, pour une raison inconnue, a débarqué en criant et m’a arraché mon téléphone. Elle m’a sauvé la vie !

Jamie Hewlett — Elle a bien fait ! Tu ne devrais pas être autorisé à être sur Instagram. Surtout si tu es un peu bourré.

C’est la raison pour laquelle tu n’y es pas ? Pour éviter de raconter n’importe quoi bourré ?

Damon Albarn — Non, ce n’est pas vraiment la raison qui me tient éloigné des réseaux sociaux. C’est plutôt que ça ne m’intéresse pas de connaître en permanence l’opinion des gens ! On a atteint un niveau de narcissism­e, de suffisance… ce n’est pas très constructi­f.

Tu penses que, de nos jours, un·e jeune artiste peut réussir dans le business de la musique sans être ultra-connecté·e aux réseaux sociaux ?

Damon Albarn — Je pense que si tu débutes cette année, tu risques de ne pas vivre que des bons moments. Vraiment. C’est dur. Surtout pour les groupes et les gens qui jouent de leur instrument dans leur coin. C’est dur et, en même temps, c’est important de continuer, que les gens se réunissent et fassent de la musique ensemble. Notre capacité à communique­r à travers la musique, collective­ment, à nous réunir et à jouer nous ramène à quelque chose de l’ordre d’un besoin basique de la conscience humaine. En France, ce n’est pas la même chose, la situation est meilleure. En Angleterre, ils se foutent complèteme­nt de toute forme d’art.

Tu parles des politiques ?

Damon Albarn — Nos politiques sont horribles. On traverse, politiquem­ent, des temps très sombres, malheureus­ement. (il tape du poing sur la table)

Pourtant, il existe une scène musicale vibrante en Angleterre.

Damon Albarn — Ce n’est pas le problème. Le problème, c’est que l’on a permis que toute la promotion de la musique soit ravagée par des congloméra­ts. Je ne donnerai pas de nom. Ces gens ne pensent qu’au fric ! Donc, forcément, aujourd’hui, ils ne sont pas très coopératif­s. Il faudrait être fou pour penser qu’ils diraient : “OK, on ne va pas se faire d’argent pendant deux ou trois ans, investir dans des nouveaux talents et créer des structures bon marché, pratiques et accessible­s pour que les jeunes puissent faire

de la musique.” Investir, investir, investir, c’est un truc qui ne les intéresse pas. D’un autre côté, tu as des artistes américain·es, complèteme­nt déconnecté·es des réalités, qui disent : “Nous n’accepteron­s pas de faire tel festival l’année prochaine à moins que vous nous filiez la thune d’avance”, ce qui est évidemment tout aussi ridicule. Tu ne peux pas prendre de l’argent que tu ne rendras pas, pour un truc qui ne se passera peut-être jamais ! Donc, si vous voulez vous lancer, il va simplement falloir accepter que le monde a changé. On vit dans un nouveau monde.

Et ce nouveau monde vous fait peur ?

Damon Albarn — Non, pas du tout. Les gens sont ce qu’ils sont. Je veux faire la fête avec les gens. Regarde, ce soir, sur la place de la République, il y aura peut-être des gens qui vont danser. C’est ce que j’ai envie de voir : des gens qui interagiss­ent entre eux.

Jamie Hewlett — C’est ce qui m’a sauté aux yeux aussi cette année, en regardant les news ou autres. A quel point les gens peuvent être égoïstes. Je ne peux pas dire que je découvre cela, mais disons qu’en 2020 j’ai pu constater que cette tendance se développai­t à grande échelle. Les gens sont des putains d’égoïstes, l’idée qu’on leur demande de porter un masque les offense, ils disent qu’on les prive de toutes leurs libertés…

Et, en même temps, ce nouvel album s’appelle Strange Timez. En quoi les temps sont-ils étranges ?

Jamie Hewlett — Il n’y a qu’à voir cette année ! C’est une époque à la fois étrange et bluffante.

Damon Albarn — Je pense qu’on vit dans une époque incroyable. L’étendue des possibilit­és est immense. Ce que l’on pourrait tirer de tout cela, si seulement on pouvait choisir d’être moins… absorbés par nous-mêmes. Parce que c’est ça le truc : les gens deviennent de foutus égoïstes. Par exemple, je ne comprends pas pourquoi la musique live est devenue d’un coup la chose la plus dangereuse du monde. C’est un truc que je ne pige pas, ça n’a aucun sens. C’est le meilleur truc, une vibration invisible. C’est comme les salles de cinéma, c’est un endroit normalemen­t complèteme­nt bénin, où des gens cherchent à divertir d’autres gens. C’est flippant. Mais j’imagine que l’on reviendra plus forts.

C’est important pour vous d’utiliser Gorillaz comme une plateforme politique ?

Jamie Hewlett — Mais c’est déjà une plateforme politique ! A l’époque de Demon Days, on parlait des problèmes environnem­entaux, c’était il y a quinze ans déjà. Plastic Beach !

Damon Albarn — On parlait déjà d’armes, des drogues, du contrôle des masses. Mais ce que l’on peut dire en tant qu’individu n’a pas d’importance. Le message se trouve dans ce que l’on fait. C’est ce qui compte.

Pourquoi avez-vous décidé un jour de ne plus vous cacher derrière les personnage­s de Gorillaz ? De rompre ce pacte d’anonymat ?

Jamie Hewlett — J’ai l’impression que c’est arrivé dès le début, non ?

Les gens savaient qui se cachait derrière les dessins.

Au début, l’illusion fonctionna­it assez bien. Seuls les dessins étaient mis en avant. En France, si tu n’étais pas au contact d’un certain milieu, l’informatio­n pouvait ne pas te parvenir.

Jamie Hewlett — Ça a fonctionné en France alors ! C’était l’idée au début

– je n’avais pas vraiment réalisé que cette mascarade avait pu tenir où que ce soit ! C’était un truc impossible à cacher, notamment parce que la voix de Damon est très reconnaiss­able.

Damon Albarn — Je pense que c’est encore le cas, cela dit. Tout le monde ne

cherche pas à savoir s’il y a des vrais musiciens derrière les dessins. Surtout aux Etats-Unis.

Jamie Hewlett — C’est vrai que les Américains aiment beaucoup les cartoons. Là-bas, ils accordent plus de crédits aux Simpson qu’aux politicien­s.

D’ailleurs, dans le documentai­re Bananaz, sorti en 2008, on a l’impression que Gorillaz a été monté dans le but de percer sur le marché américain.

Damon Albarn — En fait, quand l’idée de créer Gorillaz a germé, personne n’avait vraiment l’audace de penser que ça aurait du succès. C’est parti de rien, et puis, du jour au lendemain, c’est devenu énorme. Tout est allé très vite.

Vous vous rappelez le jour où vous avez eu l’idée ?

Damon Albarn — Quand on était plus jeunes, on vivait ensemble, à Londres. A cette époque, on avait la plus grosse télévision que tu pouvais t’acheter en Angleterre dans notre salon. Jamie Hewlett — Plasma !

Damon Albarn — Un truc hyper-lourd.

Jamie Hewlett — De la haute technologi­e…

Damon Albarn — Tu pouvais regarder plusieurs émissions à la fois.

Jamie Hewlett — L’écran se partageait en huit. Non, neuf. Neuf chaînes différente­s : tu pouvais regarder MTV2, MTV, ou je ne sais quoi encore. On regardait beaucoup de chaînes musicales du câble, avec des trucs de merde. A l’époque, tu avais beaucoup de groupes marketés. Boys bands, girls bands, que des groupes marketés ! Et puis on s’est dit : “Et si nous aussi on montait un groupe de toutes pièces ?” Dans ce genre de concept, chaque ingrédient doit être parfait : le style, la musique, les gens qui forment le groupe. Mais, en réalité, ces

groupes n’étaient jamais parfaits. L’idée que tout groupe puisse être cool et avoir du charme, c’est une chose. Mais comment peux-tu rater un groupe marketé ? Donc on s’est dit qu’on pouvait arriver à faire ça bien.

Damon Albarn — Un des personnage­s de Gorillaz, Russell, était tourmenté par des fantômes. A l’origine, on avait pensé mettre en scène des musiciens morts. C’est de ce concept qu’est né Gorillaz.

Jamie Hewlett — Aussi simple que ça. Damon Albarn — Jamie a réalisé quelques croquis, j’ai mis en boîte quelques demos, et voilà.

Jamie Hewlett — On a présenté le projet à EMI et ils ont adoré. Il faut dire que Tony Wadsworth (ancien directeur exécutif du groupe EMI en Angleterre – ndlr) était un mec cool. Il avait une vision. Aucun magazine ne voulait faire quoi que ce soit avec nous, à part Dazed & Confused. On a donc monté un gros truc avec eux, avec une belle couverture et dix pages intérieure­s. Tout le monde voulait parler à Damon, et nous on disait : “Non, non, non. Si vous voulez parler à quelqu’un, il faut parler aux personnage­s.” Et ça, Jefferson (Jefferson Hack, ancien rédacteur en chef de Dazed & Confused

– ndlr) l’avait aussi bien pigé.

Cela fait vingt ans que le groupe existe, vous voyez Gorillaz continuer encore vingt ans de plus ?

Damon Albarn — Sans aucun problème.

Jamie Hewlett — Oui, parce que tu ne nous verras pas nous, mais les dessins animés ! Nous pourrons être dans des fauteuils roulants en train de bosser sur Gorillaz !

Vous pensez à votre succession ?

Jamie Hewlett — On en a parlé. On a parlé du fait de passer le relais. Mais ce serait difficile pour nous de trouver quelqu’un en qui on aurait vraiment confiance. J’ai encore énormément d’énergie ! Je pense qu’on a encore dix ans devant nous ! (Ils ont tous les deux 52 ans – ndlr) Ce n’est pas vraiment un travail… Je ne le vois pas comme ça.

On se quitte sur un scoop ?

Qui inviterez-vous sur le prochain disque ?

Jamie Hewlett — Pour la saison 2 ? Je ne peux pas te dévoiler ça !

Damon Albarn — Les choses arrivent aussi un peu par hasard.

On a bien une idée… Damon Albarn — Qui ?

Liam Gallagher ?

Damon Albarn — Liam ?! C’est un idiot. Il parle de moi presque toutes les semaines de toute façon. Alors que ça fait vingt-cinq ans que je n’ai plus rien dit sur lui. Ce mec me sert de tremplin sur les réseaux sociaux.

Jamie Hewlett — C’est vrai qu’il te fait pas mal de publicité.

Damon Albarn — C’est vrai !

Jamie Hewlett — On a déjà travaillé avec Noel…

Damon Albarn — J’aime Liam, je serais plus que ravi de faire une chanson avec lui, mais ce n’est pas moi qui vais lui tendre la main. J’essaie juste de ne pas être négatif en répondant à votre question. Je ne dis pas : “Je veux travailler avec Liam Gallagher.” Si vous me faites dire ça, vous êtes des branleurs, parce que ce n’est pas ce que j’ai dit. Je n’ai sincèremen­t aucun problème à travailler avec lui, mais je n’utiliserai jamais ce biais comme une opportunit­é de le faire.

Jamie Hewlett — Il a juste répondu à votre question, ce n’est pas une déclaratio­n.

Damon Albarn — Mais si vous voulez écrire “Liam Gallagher est un tremplin social pour moi”, vous êtes les bienvenus.

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France