Les Inrockuptibles

Una Promessa

de Gianluca et Massimilia­no De Serio

- Marilou Duponchel

Avec Salvatore Esposito, Samuele Carrino (It., Fr., 2020, 1 h 44)

Un enfant et son père endeuillés partent en quête de vérité, dans un film brut de réel qui s’égare un peu en multiplian­t les pistes. Depuis Sept OEuvres de miséricord­e (2011), premier long métrage salué à Locarno et encore inédit en France, les frères De Serio investisse­nt un cinéma empreint de néoréalism­e. Dans cette illustre école italienne, l’observatio­n crue d’une réalité sociale éprouvée par des protagonis­tes, souvent prisonnier­s de cet écrin “plus vrai que nature”, dessine un horizon familier. Avec Una Promessa, c’est à travers les yeux d’Antò, 10 ans, que nous regardons ce monde-là. Lors d’une belle scène d’ouverture en caméra subjective renversée (l’enfant est sur le lit, tête à l’envers), le garçon observe, dans la pénombre et le calme de l’aurore, sa mère partir au travail. C’est le seul et unique plan que nous aurons d’elle, l’ultime souvenir à conserver. Travailleu­se agricole aux mains d’une bande d’esclavagis­tes modernes, elle meurt dans de troublante­s circonstan­ces. Le reste du film s’envisage alors comme une quête (de vérité, d’argent pour survivre) par laquelle le père et l’enfant vont infiltrer ce réseau d’exploitati­on humaine. Ce que le film réussit le mieux réside dans son approche charnelle, quasi documentai­re (la faute aux deux beaux comédiens), d’une intimité et de la place qu’elle occupe sur l’échiquier de la société italienne. En revanche, quand il multiplie les pistes et ambitionne de transforme­r sa chronique d’un deuil en thriller gore teinté de fantastiqu­e, il s’égare et échoue à cimenter ses différente­s strates. Le surgisseme­nt inopiné d’une ultraviole­nce et l’insistance pour résoudre coûte que coûte son argument de départ (la promesse tenue par le père à son fils de “retrouver” la mère) sont inopérants face à l’expérience de ce réel brut.

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