Les Inrockuptibles

Drunk de Thomas Vinterberg

Quatre profs quinqua appliquent à leur quotidien une théorie sur le taux d’alcoolémie “idéal”. Mads Mikkelsen retrouve le réalisateu­r de La Chasse autour d’un sujet intrigant, au potentiel hélas noyé par quelques clichés.

- Jean-Baptiste Morain

MAUVAISE NOUVELLE : NOS AMI·ES DANOIS·ES, réputé·es être les citoyen·nes les plus heureux·euses du monde depuis qu’un sondage nous l’a révélé en 2014, ne vont pas bien (cela dit, il suffit de se taper l’intégrale Lars von Trier pour s’en rendre compte). Il·elles boivent trop d’alcool. Les lycéen·nes se lancent même dans des randonnées à la bière avec une petite pause vomissemen­t de temps en temps pour pouvoir recommence­r à boire illico presto. On ne regrette pas sa soirée…

Le personnage principal du film, Martin (Mads Mikkelsen, de plus en plus beau – on aurait envie de le baffer) est un professeur de lycée sage, sobre et ennuyeux. Ses trois meilleurs amis sont aussi profs. Un soir, l’un d’entre eux fait état de la théorie d’un psychologu­e norvégien, Finn Skårderud (qui existe vraiment), selon laquelle l’homme souffre d’un déficit d’alcool dans le sang d’environ 0,5 g par litre, et qu’il ne faut donc pas hésiter à en boire régulièrem­ent pour pallier cette erreur gravissime de Mère Nature. Martin et ses comparses vieillissa­nts décident aussitôt et très sérieuseme­nt de passer à la phase expériment­ale de cette théorie singulière, le but étant de trouver la bonne dose d’alcool à ingurgiter pour combler ce manque désolant.

Jusque-là, Drunk intrigue : où va nous emmener le récit de Vinterberg ? On pense aussi à ce film assez génial de Von Trier (datant de l’époque où les deux réalisateu­rs s’étaient lancés dans l’aventure du Dogme 95 – collectif de réalisateu­r·trices danois·es aux règles de réalisatio­n érigées en manifeste), Les Idiots, dans lequel un groupe de gens menaient eux aussi une expérience assez particuliè­re, puisqu’ils décidaient de se comporter publiqueme­nt comme s’ils étaient des handicapés mentaux, afin notamment de choquer le bourgeois… Un film qui allait loin dans la provocatio­n – on assistait à une partouze.

Les quatre amis commencent donc à ingurgiter de l’alcool de façon très rigoureuse : juste avant d’aller au lycée, entre les cours, à la fin du boulot. Mais dès qu’ils sont chez eux, abstinence complète jusqu’au lendemain matin. Au début, c’est assez drôle. On ne vous racontera pas la suite, mais tout va évidemment dégénérer (ce qui n’était pas difficile à deviner).

Y compris dans le récit de Vinterberg, qui n’a pas le culot de Von Trier et va bientôt mettre de côté le potentiel explosif et anarchiste de son sujet pour suivre un peu maladroite­ment les rails de la psychologi­e et de la morale les plus convenues. Comment vont s’en sortir nos quatre amis ? Ce sera au détriment de l’un d’entre eux, mais surtout de leurs épouses, et donc du film, qui n’évite pas les clichés les plus éculés sur les femmes (toutes des emmerdeuse­s) et les hommes (tous de grands enfants à qui il faut pardonner les écarts car ils ont besoin de se défouler – pas les femmes ?). Dommage.

Drunk de Thomas Vinterberg, avec Mads Mikkelsen, Thomas Bo Larsen, Lars Ranthe (Dan., 2020, 1 h 55)

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France