A Dark, Dark Man
D’Adilkhan Yerzhanov Avec Daniar Alshinov, Dinara Baktybaeva (Kaz., Fr., 2019, 1 h 50)
Une enquête dans les paysages désertiques du Kazakhstan qui se vide peu à peu de sa substance. Dans les univers que compose Adilkhan Yerzhanov, tout se regarde de biais, par le prisme d’une poétique qui se base sur un jeu de décalages (un burlesque engourdi, un humour grinçant) et un langage purement plastique (une épure à outrance). Dans ces mondes impitoyables, ruinés, mutiques, mais à la nature chatoyante (les personnages rendus à une sorte d’état primitif la traversent dans de longs plans larges), on tente de préserver le mince équilibre qui permet encore d’avancer. Avec La Tendre Indifférence du monde, son premier long métrage, le cinéaste kazakh avait eu la plutôt belle idée de faire du mouvement des couleurs (du ciel, d’une robe) le motif auquel notre oeil pouvait s’accrocher. Pour son nouveau film, Yerzhanov s’aventure sur les fleuves du film noir et érige, fidèle au genre, une intrigue bidon pour faire manoeuvrer les personnages
(un gentil idiot accusé à tort d’un meurtre, un flic désabusé et une inspectrice en trench façon Bogart) dans les décors déserts d’une société pourrie (corruption à chaque étage).
Dans cette quête qui ne mène nulle part, il s’agit alors de feindre l’amusement pour dire la gravité de la violence qui s’exerce, et qui finira par éclater, par litres de sang, dans la dernière partie. Le problème, c’est qu’à trop soumettre les éléments à un régime de soustraction (intrigue et personnages qui ne sont que des figures endormies) sous prétexte qu’il métaphorise un état de désolation propre à l’époque, le film perd en substance et ne laisse entrevoir que son squelette d’intentions avec ses plans au carré et son impassibilité ricanante.