Les Inrockuptibles

The Mountain Goats

Getting into Knives Merge Records/Modulor

- Arnaud Ducome

Le plus grand des songwriter­s méconnus John Darnielle signe une nouvelle réussite avec ce dix-neuvième album.

IL Y A DES CHOSES QU’ON N’EXPLIQUE PAS EN MUSIQUE, comme cette complicité profonde, ces amitiés immédiates qui s’installent naturellem­ent avec certains musiciens. A l’image de songwriter­s tels que Jonathan Richman ou Stephin Merritt (The Magnetic Fields), John Darnielle fait partie de ceux que l’on n’oublie jamais malgré leur relative discrétion. Bonne nouvelle, il revient déjà avec un nouvel enregistre­ment des Mountain Goats, Getting into Knives. Avec plus de six cents chansons au compteur, le prolifique Américain a toujours su captiver son public avec ses histoires de blessures au coeur, de fins tragiques ou de déglingue – tragicoméd­ies du quotidien taillées avec un sens du détail délirant et un humour implacable. Depuis ses premiers albums sur cassettes – grandes claques lo-fi servies en moins de trois minutes –, le rêveur binoclard a prouvé qu’il savait faire tenir tout un univers sensible et intime sur la courte durée d’un brûlot punk. La voix nasillarde de Darnielle, à la fois forte et fragile, prête à dérailler, est à même de tirer des larmes au premier gardien de prison venu. Composé et enregistré en studio (tout juste avant le confinemen­t), à Memphis, avec Peter Hughes, Jon Wurster et Matt Douglas, Getting into Knives fait suite au récent Songs for Pierre Chuvin, projet enregistré en dix jours seulement sur l’infatigabl­e “boombox” Panasonic. Ce disque, plus travaillé et électrique, fut l’occasion de s’entourer d’invités, dont Charles Hodges, organiste de talent qui collabora avec Al Green. Rien de fondamenta­lement nouveau dans ces treize titres, on retrouvera avec plaisir l’instrument­ation précieuse et classique du groupe ; ces morceaux enlevés où la mélancolie s’invite sans crier gare. Entre amours impossible­s, écueil de la célébrité, saynètes amères et chasse aux loups, le bizarre côtoie un style toujours impeccable dans ce recueil intime. On n’écrit jamais mieux que sur ce que l’on connaît, et ce vieux briscard de John Darnielle ne l’a que trop bien compris. Sa folk pop débraillée dégage toujours cette humilité rare et désarmante. Un album qui rend heureux, c’est déjà beaucoup.

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