Adieu les cons
D’Albert Dupontel Avec Virginie Efira (Fr., 2020, 1 h 27)
Quand la fable anar se dissout dans un déluge de miévrerie.
Alors que ses avatars de cinéma l’ont conduit à investir une certaine marge (il a joué des voyou, braqueur, SDF, vilain, punk et même le cancer en personne), Albert Dupontel occupe désormais le centre. Avec sa nuée de César (deux pour 9 Mois ferme, cinq pour Au revoir là-haut) et ses bons chiffres au box-office, le cinéaste-acteur est devenu le candidat idéal pour une famille qui loue l’équilibre entre le prestige d’une griffe auteuriste et l’assurance d’une bonne santé économique. Après le baroque fastueux de son imposante adaptation littéraire de Pierre Lemaitre, l’auteur affine ses obsessions et reconduit avec Adieu les cons le récit de fuite tracé par son précédent film. Il narre à nouveau la rencontre de deux sacrifié·es (lui-même en employé suicidaire ; Virginie Efira, condamnée par une maladie), aidé·es d’un tiers
(un archiviste aveugle clownesque), qui, pour survivre à la cruauté d’un monde – l’après-guerre hier, la finance et l’administration kafkaïenne aujourd’hui –, dézinguent l’autorité.
Dans Adieu les cons, la grandiloquence kitsch de la mise en scène de Dupontel (interminables mouvements de caméra, couleurs criardes, humour grimaçant et caméo de Terry Gilliam comme référence affichée) opère à plein régime pour sursignifier, en même temps qu’elle ensevelit, les faits et gestes des héros·oïnes de ce conte moderne gonflé d’effets numériques disgracieux. Un film de révolte qui, moins férocement attaché à la musique provocante de ses cadets (Bernie), se révèle même assez doux, et mièvre, quand sa course-poursuite se teinte d’un sentimentalisme à l’eau de rose sur fond d’amour filial ou d’amour tout court. En somme, bien plus consensuel que l’irrévérence adressée de son titre.