Les Inrockuptibles

Michel-Ange

d’Andreï Kontchalov­ski Avec Alberto Testone, Jakob Diehl, Francesco Gaudiello (Rus., Ital., 2019, 2 h 16)

- Ludovic Béot

C’est l’autoportra­it de Kontchalov­ski qui affleure au travers de cette reconstitu­tion, splendide, de la vie du peintre.

Discrèteme­nt, c’est un morceau de l’histoire du cinéma qui est réanimé avec la sortie du nouveau film d’Andreï Kontchalov­ski. Plus d’un demi-siècle après avoir coécrit, avec Tarkovski, le scénario d’Andreï Roublev (1966), le cinéaste russe, aujourd’hui octogénair­e, retrace à nouveau la vie d’un peintre. Cinquante années en arrière, c’était aussi la dernière apparition de l’artiste florentin au cinéma, sous les traits de Charlton Heston, dans un biopic hollywoodi­en réalisé par Carol Reed intitulé L’Extase et l’Agonie (1965). Surplombé par cinquante ans d’histoire, Michel-Ange aurait pu céder à la tentation de s’inscrire dans la tradition du grand film de maître. Derrière la splendeur des images, c’est au contraire par son économie narrative que le film surprend. Débutant juste après les derniers coups de pinceau sur le plafond de la chapelle Sixtine, le récit fait revivre un fragment de la vie de l’artiste où ce dernier est pris entre la précarité d’un quotidien

– alors qu’il est reconnu comme un génie dans tout le pays – et d’un double jeu diplomatiq­ue auprès des deux grandes familles rivales de l’époque qui financent ses oeuvres.

Comme Roublev, Tarkovski Kontchalov­ski avec Andreï fait de son protagonis­te un double de fiction et projette en lui son autoportra­it de cinéaste. Difficile, en effet, de ne pas faire un lien entre le peintre italien, pris entre la censure et la cupidité de ses mécènes, et le regard rétrospect­if en URSS sous Brejnev, puis tenté une rapide et douloureus­e de expérience studios En motif de d’inspiratio­n protagonis­te, à du rebours celui la “biopic ne création, ni choisissan­t hollywoodi­ens. qui le tout mystère d’artiste”. auprès a de le réalisé ni un film son la comme modèle des crise prend des Délesté grands films de désacralis­e créateur Ange, géniale toute pas ou : emphase, même de de la transe figure tourments chez le du créative film Micheldésa­busés, répétitive sacrifiée A l’image au et de mais nom laborieuse la scène une de l’art. existence d’extraction cet destiné immense à la constructi­on d’une bloc de carrière marbre de d’un pour monument le pape. Sublime funéraire vision, qui évoque aussi bien le geste absurde de Sisyphe que l’impossibil­ité pour l’artiste altérer de prélever la pureté. la nature sans en

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