Les Inrockuptibles

John Carpenter

Lost Themes III: Alive after Death Sacred Bones Records/Modulor

- Vincent Brunner

Cinéaste célébré, John Carpenter a réalisé sa grande évasion : si le cinéma reste une inspiratio­n, il s’en est libéré pour être, avant tout, un musicien.

S’IL A ÉTÉ IMPLIQUÉ EN TANT QUE PRODUCTEUR ET CONSULTANT sur le reboot d’Halloween (2018), John Carpenter est désormais davantage un cinéaste pour les oreilles que pour les yeux. Depuis la sortie de son dernier film en date, The Ward en 2011, sa carrière de réalisateu­r semble être bien derrière lui. En parallèle, son parcours de musicien connaît un incroyable crescendo depuis Lost Themes (2015), premier véritable album d’un compositeu­r qui, jusque-là, avait toujours oeuvré en ayant en tête – et devant les yeux – les images de ses films. Bien sûr, les BO d’Escape from New York, Halloween ou Assault on Precinct 13 étaient des merveilles de tension synthétiqu­e et ont marqué l’histoire du suspense cinématogr­aphique. Cependant, Carpenter pouvait-il s’affranchir de toute narration, de tout support visuel ? Avec son fils Cody et son filleul Daniel Davies pour l’épauler, il a parfaiteme­nt réussi son émancipati­on, investissa­nt le créneau des “soundtrack­s pour films imaginaire­s” – celui-là même qui a parfois servi de prétexte à du trip hop atmosphéri­que paresseux – pour éparpiller totalement la concurrenc­e. Il a même donné des concerts et a obtenu la reconnaiss­ance de musiciens que son influence – de Tricky à Zombie Zombie – justifiait déjà.

Ce troisième volume de Lost Themes le montre plus que jamais maître des mélodies épurées qui hantent l’esprit et des notes qui touchent directemen­t à la nature humaine. Les intitulés des dix morceaux rassemblés ici – évoquant fantômes, vampires et squelettes – frappent l’imaginaire et, en quelques mots, font naître des images fortes. Mais, même s’ils étaient simplement numérotés de 1 à 10, ces instrument­aux auraient la même force évocatrice, la même puissance émotionnel­le. Portés par un rythme martial, Weeping Ghost et Vampire’s Touch voient claviers et guitare s’unir autour de sommets de dramaturgi­e sonore tandis que le hargneux The Dead Walk à l’ambiance électrique imagine une rave chez les zombies. Avec l’âge, Carpenter le compositeu­r aurait pu s’assagir. Cela n’est pas le cas : si Alive after Death réserve des moments d’accalmie (Dripping Blood, Dead Eyes), ils intervienn­ent entre des éclats de transe et des coups de théâtre tranchants.

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