In My Room
d’Ulrich Köhler
Avec Hans Löw, Elena Radonicich (All., 2018, 2 h). Sur arte.tv jusqu’au 7 février A l’aune de l’année écoulée, ce film sensible, de solitude et de réensauvagement, sorti en 2019, mérite un deuxième visionnage. La sédimentation qu’un film opère à l’intérieur de nos corps passe par une multitude de couches et de filtres sensibles ; notre imaginaire et nos fantasmes, notre capacité d’analyse, notre vécu. A ces résonances s’ajoute celle du temps présent. Un film nous cueille dans un moment donné, à la fois intime et collectif. Lorsque le quatrième film d’Ulrich Köhler,
In My Room, sort début 2019, le temps collectif est encore celui du monde d’avant, effréné et bouillonnant d’échanges. Ce conte postapocalyptique sur un homme qui se retrouve soudainement seul agit alors comme une bulle enchanteresse dans laquelle on se love pour échapper à l’accélération névrotique du contemporain. Pour celui·celle qui aspire à une telle suspension, la fin du film est un déchirement. Deux ans plus tard, cet arrêt brutal de la marche du monde et cette solitude, nous y avons tous·toutes plus ou moins goûté. Pourtant, le film se dérobe à l’analogie et incarne, de façon sensible et jamais par le discours, une nouvelle utopie, celle du déconfinement permanent, d’une chambre avec vue sur le monde, où la liberté est absolue, et celle du réensauvagement de nos existences. Ces deux temps de visionnage révèlent ce qui nous avait échappé la première fois : ce n’est pas tant le désir d’un monde en suspension que le film déclenche en nous, mais plutôt une adresse à nos instincts enfouis et quasi primitifs de liberté et de symbiose avec la nature. Un grand film d’harmonie.