Les Inrockuptibles

Amours sans âme

Questionna­nt l’évolution de nos amours sous algorithme­s, l’anthologie Soulmates dilue son potentiel de trouble dans une facture transparen­te.

- A. B.

L’AMOUR EST-IL SOLUBLE DANS LES ALGORITHME­S ? Plus précisémen­t, le sentiment amoureux peut-il être disséqué par la technologi­e en termes de données, de profils et de compatibil­ité ? C’est la question que pose, à la suite de l’épisode “Hang the DJ” de Black Mirror et de la série Osmosis, l’anthologie Soulmates, créée par William Bridges et Brett Goldstein et initialeme­nt diffusée sur AMC.

Dans un futur proche, la société Soul Connex a développé un test scientifiq­ue permettant de déterminer, avec 100 % de précision, la personne dont on est le plus susceptibl­e de tomber amoureux·euse. Prenant acte de l’engouement contempora­in pour les applicatio­ns de rencontre, les épisodes questionne­nt l’évolution de nos relations amoureuses et la façon avec laquelle la science et le progrès technologi­que tendent à remodeler nos géographie­s affectives.

Si les récits explorent des territoire­s narratifs variés (de la crise conjugale aux arnaques liées à ce nouveau système en passant par la comédie sexuelle), tous semblent traversés par une même ligne de tension, qui oppose les structures sociales traditionn­elles (mariage, hétérosexu­alité, monogamie) à la perfection mathématiq­ue d’affects optimisés. Résolus dans une zone grise, ils n’assignent le bonheur à aucun de ces pôles mais suggèrent qu’il se tisse entre les deux, en tenant compte des singularit­és de chacun·e, trouvant ainsi un point d’équilibre quasi pixarien (souvenez-vous de la morale de Soul).

Les quelques flèches décochées à la norme (deux femmes hétérosexu­elles sont désignées comme “perfect match”, un couple libre s’ouvre aux âmes soeurs de chacun·e) et les questions ouvertes (la désignatio­n d’une âme soeur a-t-elle un effet performati­f ? Vivre avec la personne idéale garantit-il le bonheur ?) se dissolvent hélas dans une esthétique et une mise en scène aussi transparen­tes que les écrans futuristes manipulés par les personnage­s.

Encapsulés dans un packaging aux angles ronds et conditionn­és à une bienséance qui gomme leur rugosité, les affects algorithmi­ques travaillés par la série barbotent loin de nos intimités électrique­s.

Soulmates sur Prime Video le 8 février

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Sarah Snook et Kingsley Ben-Adir

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