Les Inrockuptibles

Palm Springs de Max Barbakow

Cousin hâlé et jovial du Bill Murray d’Un jour sans fin, Andy Samberg s’éclate en tongs dans sa boucle temporelle. Une romcom joyeusemen­t régressive.

- Théo Ribeton

LA RÉSONANCE AVEC “CE QUE NOUS VIVONS DEPUIS UN AN” est telle qu’il y a quelque chose d’un chouïa opportunis­te dans le retour actuelleme­nt constaté du genre dit de la boucle temporelle : un jeu vidéo, Loop Hero, et deux films, The Map of Tiny Pretty Things (Ian Samuels) et Palm Springs, sortent en ce mois de février. Le principe est connu (un personnage se réveille chaque matin à la même date pour revivre la même journée), de même que son oeuvre de référence ( Un jour sans fin d’Harold Ramis, 1993).

Palm Springs, lui, se revendique assez clairement comme celui qui vient après, l’héritier méta et astucieux, insolemmen­t satisfait de repérer les petites scènes archétypal­es du genre pour en proposer une reprise vacancière et railleuse. Particuliè­rement vacancière, d’ailleurs, avec son décor californie­n, son héros négligé (Andy Samberg, comme un coq en pâte en tongs et chemise hawaïenne) et son programme de festivités (un mariage) infiniment reconduite­s par le paradoxe temporel.

Nyles, c’est son nom, a donc accepté de longue “date” sa condition de naufragé du temps, au point même de s’y épanouir comme un drôle de Robinson, roi de sa fête, ivre de son pouvoir et en paix avec sa solitude, au moment où démarre l’intrigue (une autre invitée se coince avec lui dans la boucle, et elle ne va pas tarder à vouloir s’en échapper).

Nyles ne veut pas partir (on devine assez vite que les lois de la romcom l’amèneront à voir les choses autrement, mais c’est la partie la plus sentimenta­liste et la moins intéressan­te du film), il ne veut pas lever sa malédictio­n, et c’est la plus belle idée de Palm Springs : un Diogène qui, mine de rien, renverse les attentes moralistes du genre.

Car la time loop est bel et bien un genre moraliste, consistant souvent à arracher ses héros égoïstes et faillibles à leur éternité de jouissance­s, en les remettant sur le droit chemin de la vertu.

Principes ici copieuseme­nt moqués (le gag le plus malin du film : une vaine tentative de conjurer la malédictio­n en “accompliss­ant un acte vraiment altruiste”) au profit d’une espèce de nihilisme qui, même s’il finira sacrifié sur l’autel des convention­s romantique­s, permet temporaire­ment au film de faire vivre à son héros une expérience philosophi­que d’absolue liberté qu’il n’est pas en reste de questionne­r

(“j’ai semé la terreur et la mort : ce n’est pas épanouissa­nt”), transforme­r ladite journée en bac à sable merveilleu­x, et épouser les perspectiv­es purement jouissives et irresponsa­bles du paradoxe temporel.

Palm Springs de Max Barbakow, avec Andy Samberg, Cristin Milioti (E.-U., 2020, 1 h 30). Sur Prime Video le 12 février

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Cristin Milioti et Andy Samberg

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