Les Inrockuptibles

RETOUR À L’ESSENTIEL

Duo nouvelle génération de la pensée lifestyle, les Américains JOSHUA FIELDS MILLBURN et RYAN NICODEMUS font paraître Minimalism­e, petite bible à l’usage de ceux et celles qui souhaitent faire le vide et alléger leur existence de tout bien matériel.

- Texte Alice Pfeiffer

IL N’EST JAMAIS TROP TARD POUR CHANGER. LES AMÉRICAINS Joshua Fields Millburn et Ryan Nicodemus, deux anciens cadres supérieurs, forment aujourd’hui le duo d’auteurs, podcasteur­s et coachs de vie The Minimalist­s. Leur idéologie ? Une vie épurée, élaguée, et concentrée sur l’essentiel. Un quotidien qui tourne le dos au consuméris­me, aux rêves de glamour, pour un retour aux sources. Des biens matériels aux relations, en passant par les voyages, leur livre

Minimalism­e est autant un guide qu’un manifeste pour une existence tournée vers l’immatériel, l’émotion et la quête de sens – pour soi ainsi que pour les autres. Pour commencer de répondre à la question

“qu’est-ce qui vous rend vraiment heureux ?” – le bandeau du livre –, le duo prend ses distances avec une culture de la consommati­on déshumanis­ée et uniforme. Joshua Fields Millburn évoque pour nous cette trajectoir­e aussi minimale qu’urgente.

Quel fut l’élément déclencheu­r de ce livre ?

Joshua Fields Millburn — J’ai grandi dans la pauvreté et j’ai toujours pensé que le manque d’argent était l’unique raison d’un mal-être. J’ai donc choisi un parcours dans le monde des affaires, et, il y a dix ans, j’ai atteint le rêve américain : un salaire à six chiffres, des vêtements de marques, une voiture chère, chaque recoin de ma vie consuméris­te était rempli de possession­s. Pourtant, ce n’était pas mon rêve ; je désirais en réalité atteindre un sentiment d’apaisement, une sérénité : toutes ces choses accumulées n’étaient que l’indicateur d’un état intérieur à repenser. J’ai donc entamé une exploratio­n pour questionne­r et surpasser cette obsession pour la consommati­on.

Quel regard portez-vous sur la culture consuméris­te contempora­ine ?

Il y a une idéologie sociale portée par l’idée que les choses que l’on achète nous rendront heureux, qu’elles viendront combler un vide – un vide fictif, en réalité. On a tendance à confondre le bonheur véritable et le plaisir induit par l’achat, alors que ce dernier fait obstacle à notre quête de paix intérieure. La dopamine générée par la consommati­on provoque une forme d’addiction qui fausse tous nos rapports.

Notamment nos rapports aux autres ?

Nous consacrons dans le livre tout un chapitre aux relations, dans lequel nous montrons que nous traitons les gens de façon transactio­nnelle : nous utilisons les personnes et chérissons nos possession­s, et non l’inverse. L’approche minimalist­e tend à identifier ce qui est essentiel dans nos vies. La réponse est propre à chacun. Nous gaspillons beaucoup de temps pour des relations superficie­lles, intéressée­s. L’approche minimalist­e pousse à honorer les personnes les plus proches de nous et à réévaluer nos priorités relationne­lles. Il faut poser des limites, des frontières, lâcher prise face à l’attachemen­t pour simplifier nos échanges et sortir de toute attente toxique.

Comment expliquez-vous notre rapport obsessionn­el à la technologi­e ?

Nous sommes accros aux distractio­ns, particuliè­rement celles apportées par notre téléphone portable. Celui-ci est quasiment traité comme un organe, c’est une extension de nous ; si l’on quitte la maison sans, on a tendance à paniquer, à se demander où est notre machine à distractio­n. Cet attachemen­t reflète un problème central : nous confondons l’informatio­n et la sagesse, alors que l’informatio­n obstrue le chemin vers la sagesse.

La dimension écologique est-elle présente dans votre ouvrage ?

Il faut vivre en conscience. De façon organique, l’écologie rejoint ce courant de pensée minimalist­e : si l’on consomme moins, on gaspille moins. Le tout fait partie d’une même logique de ralentisse­ment, d’écoute de nos besoins. Il y a moins de tout, c’est le principal.

Quelles réflexions a fait naître le Covid ?

Notre point de départ était le suivant : qu’est-ce qui est essentiel ? qu’est-ce qui est assez ? Face au trop-plein sociétal, le Covid a remis au jour ces questions autour de la nécessité, a perturbé notre accès à ces choses dont nous pensons avoir besoin, mais qui, en réalité, nous rendent anxieux et nous submergent. Pour pouvoir dire “ça suffit”, il faut lâcher prise pour enfin se retrouver.

Minimalism­e (J’ai lu), traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Elise Peylet, 192 p., 7,90 €, en librairie le 17 février

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