Voyage en terre synth
Assignée à résidence pour cause de pandémie, la troupe néerlando-turque ALTIN GÜN élargit sa formule en la dopant à la pop synthétique héritée des eighties.
CERTAINES TRADITIONS SE DOIVENT D’ÊTRE RESPECTÉES. Et ce n’est pas Altın Gün qui pourrait dire le contraire. Formé à la fin 2016 sous l’impulsion du Néerlandais Jasper Verhulst, le groupe amstellodamois a presque toujours honoré le festival Eurosonic de sa présence, faisant de cette grande foire européenne de la musique, située dans le nord des Pays-Bas, une sorte de rite annuel, entourant de près comme de loin toute sortie d’un nouveau disque de la formation. Alors que l’édition 2021 d’Eurosonic proposait son programme en ligne du 13 au 16 janvier, Altın Gün prenait part aux festivités avec un concert retransmis sur le net, histoire de ne pas déroger à la règle et de dévoiler quelques morceaux tirés de son troisième album Yol.
Devant la performance d’un groupe définitivement taillé pour la scène, la frustration de devoir se contenter d’un visionnage coincé dans son canapé n’a pas manqué de se faire sentir. Puis, au fil des quarante minutes du set, les compositions inédites ont pris la tangente, laissant apparaître les conséquences du confinement sur la bande néerlando-turque : un son, un rythme et une atmosphère plus synthétiques.
“A l’heure actuelle, nous ne pouvons presque plus nous produire sur scène et, depuis l’année dernière, nous sommes tous coincés chez nous, observe Jasper Verhulst par téléphone. Nous avons donc eu l’opportunité de nous poser, de prendre le temps d’aborder notre musique d’une manière différente, avec plus de liberté, et d’emmener nos morceaux ailleurs.”
Habitué aux sessions de répétition en groupe et aux enregistrements en direct, Altın Gün n’a pas eu d’autre choix que d’adapter son fonctionnement pour boucler son troisième album.
En mars 2020, seule une poignée de morceaux avait été peaufinée en équipe. Le reste devait être composé à distance puis assemblé les mois suivants, en raison du confinement. Exit les prises sur bandes huit-pistes, l’ensemble sera géré par ordinateur.
Séduits par la découverte du duo electro belge Asa Moto – que l’on retrouve au mixage de Yol –, les membres du sextuor profitent de cette parenthèse en solitaire pour expérimenter à domicile. Tous s’entourent de boîtes à rythmes et d’une large palette d’instruments électroniques. L’idée est de retrouver la fraîcheur des titres du jeune tandem gantois. “Après avoir écouté Asa Moto, nous nous sommes dit qu’on pourrait insérer plus d’éléments de ce genre dans notre musique, confie Jasper. Ce n’est pas que nous nous sentions coincés ou qu’il fallait réimpulser quelque chose dans le groupe, mais on sentait qu’il était temps d’être un peu plus éclectique. On ne s’est donc fixé aucune règle, juste de faire quelque chose qui sonne cool, différent et rafraîchissant.” En flirtant avec la synthwave (Ordunun Dereleri) et la synthpop (Bulunur Mu,Yüce Dag˘ Bas¸ında, Esmerim Güzelim),Yol
permet à Altın Gün de s’affranchir des codes de la scène du rock psyché stambouliote des années 1970. A la croisée des genres comme des décennies, la troupe d’Amsterdam ne cesse de revisiter les standards du répertoire turc et autres chants atemporels d’Anatolie sans pour autant corrompre son identité. La tradition se perpétue.