CET ALBUM AU PSYCHÉDÉLISME RENTRÉ ET À LA BEAUTÉ SOURNOISE, C’EST LA LENTE ET EMBARRASSANTE DÉLIQUESCENCE DE CELUI QUI DEVIENDRA BIENTÔT GAINSBARRE
des modes et du moment. Cet album au psychédélisme rentré et à la beauté sournoise, c’est la lente et embarrassante déliquescence de celui qui deviendra bientôt Gainsbarre. L’Homme à tête de chou amorce en effet un douloureux déclin : comme si Gainsbourg réalisait, un peu en même temps que nous, qu’il ne sera probablement jamais – de son vivant – un chanteur à succès, qu’il ne rejoindra pas la caste cool des rock stars sur lesquelles les filles se retournent : Gainsbourg semble plus ou moins l’accepter sur ce disque, pas franchement ravi. Coïncidence peut-être, mais une légende raconte qu’aux alentours de la sortie de l’album Gainsbourg a manqué se battre avec Mick Jagger dans une boîte parisienne – le Palace très certainement. Le chanteur français a renversé, sans faire exprès jure-t-il, son verre de Peppermint sur le pantalon du chanteur des Rolling Stones. Les deux hommes se tiennent par le col, Gainsbourg est au bord de coller une patate à Mick : c’est Jane Birkin qui les séparera.
Est-ce un hasard d’ailleurs si, à la sortie de L’Homme à tête de chou, l’on retrouve Gainsbourg au chevet des chansons d’un jeune premier, Alain Chamfort ? C’est une façon pour lui de rester en contact avec les jeunes, de ne pas finir comme le has been que certain·es pourraient déjà voir en lui (à cette époque, le mouvement punk est prêt à exploser). Chez Chamfort, Gainsbourg trouve certainement le corps qui lui fait défaut, l’enveloppe physique à laquelle il semble avoir totalement renoncé (il remettra Chamfort en selle en écrivant les textes de son album Poses en 1979). Dernier grand disque de Gainsbourg, L’Homme à tête de chou – qui deviendra vite un surnom pour son auteur – est une oeuvre à la fois testamentaire et visionnaire : ou comment, en douze chansons, fixer l’apogée d’un dandy tout en annonçant, en creux et avec une certaine élégance, la naissance imminente d’un vieux dégueulasse.