Les Inrockuptibles

MICHEL GONDRY ( RÉALISATEU­R)

“C’est le meilleur compliment que l’on m’ait fait”

- Propos recueillis par François Moreau

“Pour le clip d’Around the World, je garde le souvenir de la confiance, qui permet de donner le meilleur de soimême. On s’est vus dans ma chambre, dans un hôtel de Londres. Le mot “chorégraph­ie” a été prononcé parmi d’autres, et il m’est resté dans l’oreille. On a donc décidé d’en faire une. Je me souviens que Thomas était préoccupé par le fond de scène. Il revenait toujours dessus. Je n’y attachais pas tellement d’importance, je me disais qu’un fond noir irait bien. Mais comme il insistait, j’ai eu l’idée de ces disques éclairés par des lumières de couleurs. Il y avait trois spots derrière chaque rond et 53 ronds, le tout géré par l’ordinateur de mon frère.

Il créait des formes géométriqu­es, des courbes, etc.

La nuit du tournage, le programme a crashé… On ne savait pas si ça serait prêt pour le tournage. On a appelé George, le producteur, pour lui annoncer la nouvelle. Il est allé vomir. Thomas avait raison, le fond de scène est ce que l’on voit le plus dans ce type de mise en scène. Les Daft Punk étaient là pendant le tournage, je crois. Ils souriaient et n’avaient pas de commentair­es. Lorsqu’on a voulu leur montrer le clip fini, Thomas n’a pas pu venir. C’était son père [Daniel Vangarde] qui était là, avec Guy-Manuel. Après la projection, Guy-Manuel a dit : ‘Ce clip marquera l’histoire des clips.’ Venant de quelqu’un qui avait prononcé environ cinq mots pendant toute la préparatio­n et le tournage, ça avait de la valeur. C’est le meilleur compliment que l’on m’ait fait.

Je ne connais pas leur façon de travailler, qui fait quoi, mais il est clair que Thomas était plus en avant, semblait plus actif. Cependant, j’ai toujours pensé que Guy-Manuel jouait un rôle essentiel, une sorte d’ancre, ou plutôt la quille du bateau. C’est, bien sûr, une impression personnell­e.

Sinon, quand on se voyait avec Thomas, les idées fusaient dans tous les sens. On parlait tellement vite que ma tête tournait. En studio, la musique était toujours élaborée par addition de tranches horizontal­es, comme une pile de crêpes. Eux, ils ont fait le contraire. Ils ont pris un couteau bien tranchant et ont découpé verticalem­ent des tranches de toutes les crêpes. Puis, ils les ont juxtaposée­s. Les changement­s étaient donc brutaux et stimulants. Il y a une ou deux chansons qui sont collées à des moments que je regrette et que je saute quand j’écoute le disque, et d’autres qui me rappellent des moments précis de mon enfance.

J’ai eu le temps d’étudier un peu Around the World en travaillan­t sur le clip. Je n’arrivais pas à savoir si c’était trop répétitif. Et puis, j’ai compris. Mais bon, c’est mon interpréta­tion : en fait, ils répétaient un segment encore et encore. Mais juste quand on commençait à en avoir marre, paf, ils passaient à autre chose.”

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Daft Punk Unchained d’Hervé Martin Delpierre (2015)
Dans le documentai­re Daft Punk Unchained d’Hervé Martin Delpierre (2015)

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