Les Inrockuptibles

JEAN-MICHEL JARRE ( COMPOSITEU­R ET PRODUCTEUR)

“Un objet artistique global”

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“Le son Daft Punk, c’est deux choses : une approche du sample très originale et une grande connaissan­ce de la musique enregistré­e, du r’n’b, de la pop… Ils ont mélangé tout ça pour en faire un son particulie­r qui se rapprochai­t vraiment du collage, comme des hommages déguisés à certains artistes qui leur plaisaient. C’était ludique. Leur style attire aussi pour son côté fun, mais, au fond, assez français car très musique concrète. Cette idée aussi de vouloir faire passer leur musique avant tout, tout en hystérisan­t l’apparence. C’est totalement paradoxal. On se cache en mettant un casque mais pour mieux hystériser le concept de starificat­ion. C’est un système où la frontière est extrêmemen­t fragile : mettre des casques de moto sans être ringard, c’est risqué. Encore plus de les porter pendant vingt-huit ans en s’en sortant sur le plan de l’image. Ils se sont cachés pour mieux être voyants. Daft Punk, ce n’est pas seulement de la musique. C’est un objet artistique global.

Daft Punk a pris un énorme virage avec le dernier album, qui était très éloigné de leur ADN. Mais, comme avec Kraftwerk, ils ont charrié une image du futur rétrofutur­iste. Kraftwerk, c’est le Bauhaus. Daft Punk, les années 1980, le manga. Ce n’est pas une vision d’anticipati­on mais une vision nostalgiqu­e, tournée vers les robots qui renvoient même aux années 1950. Ils ont très bien exprimé l’oxymore nostalgie/science-fiction.

A une époque où l’on rêve toutes et tous d’enlever le masque, eux le font. Leur épilogue va dans le sens de ce qu’ils sont : élégants, ludiques, caustiques et iconoclast­es. Ce sont des dandys chaleureux. J’ai beaucoup d’affection pour eux.” Propos recueillis par Carole Boinet

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Concert à Shanghaï, en 1981

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