Les Inrockuptibles

“Comme de la musique pour les yeux”

En 2006, les Daft Punk venaient présenter leur long métrage à Cannes. Une occasion de les interroger sur leur désir de cinéma.

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Comment est né le projet d’Electroma ? Le projet en lui-même est relativeme­nt nouveau. Il s’est inscrit de façon assez spontanée dans notre démarche, même si le désir de faire du cinéma remonte à loin. Après les clips réalisés l’année dernière, on a voulu rentrer dans la manufactur­e d’un film. Il s’agissait d’apprivoise­r la pellicule et la caméra de manière très personnell­e, de faire comme de la musique pour les yeux. Notre inspiratio­n principale a été la peinture et le surréalism­e dans la façon d’utiliser une structure absurde, aussi abstraite que la musique instrument­ale, pour partager des sensations physiques et impliquer le spectateur sans qu’il y ait besoin d’histoire ni d’acteurs. C’était d’abord travailler sur la force des images, la puissance du visuel. Ce qui a un peu disparu du cinéma depuis trente ans. Electroma renvoie assez explicitem­ent à des films récents comme ceux de Gus Van Sant ou de Vincent Gallo. Est-ce que vous diriez que vous avez samplé leurs images ? On ne cherchait pas à faire explicitem­ent des citations, et nos références sont autant les films de Gallo ou de Van Sant que les oeuvres des années 1970 qui les ont eux-mêmes inspirés. Ce qui est intéressan­t, c’est de voir quelles sont les sources exactes des uns et des autres, qui ne sont pas forcément les mêmes, et ce qu’on en fait. On cherchait vraiment à mêler Easy Rider [Dennis Hopper, 1969] et 2001 : l’odyssée de l’espace [Stanley Kubrick, 1968], un truc hyper-chaud et un truc hyper-froid, pour obtenir la sensation globale qu’on recherchai­t, celle que l’on garde en souvenir après avoir quitté la salle. Cette approche très plastique et sensoriell­e du cinéma ne se limite pas d’ailleurs à la période des seventies, elle se retrouve dans le cinéma surréalist­e ou expression­niste, chez Hitchcock ou Kurosawa.

Votre cinéphilie est-elle aussi ancienne que votre pratique musicale ? Elle est antérieure, en fait. Quand on s’est rencontrés, on a commencé à aller au cinéma ensemble. La musique n’est venue que cinq ou six ans après. Comme on était des mômes et qu’on n’était pas très sport, on regardait des cassettes. On allait en salle aussi voir tous les films de Kubrick, tout ce qui passait à L’Accattone, les films de Paul Morrissey, les films d’horreur, les films muets. Mais on adore aussi Capra et Lubitsch. Tous les bons films, quoi. Propos recueillis en 2006 par Patrice Blouin

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A Cannes, en 2006

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