Les Inrockuptibles

Leur film Electroma

- Jean-Marc Lalanne PROPOS RECUEILLIS PAR

En 2006, les Daft Punk signaient DAFT PUNK’S ELECTROMA. Ancien délégué général de la Quinzaine des réalisateu­rs, OLIVIER PÈRE a sélectionn­é et présenté leur UNIQUE LONG MÉTRAGE en 2006.

“LORSQUE J’AI DÉCOUVERT ‘ELECTROMA’, J’IGNORAIS TOUT DU PROJET ET DE L’EXISTENCE DU FILM. La société de production Wild Bunch m’avait contacté – comme ils le font fréquemmen­t en période de présélecti­on cannoise – pour découvrir la première réalisatio­n des Daft Punk. Je n’avais pas d’attente particuliè­re, et j’ai trouvé le film magnifique ! J’ai été soufflé par sa puissance de cinéma. Ce n’était pas du tout comme on aurait pu le craindre un objet promotionn­el pour la musique des Daft Punk. C’est d’ailleurs une idée très belle qu’on n’entende pas dans le film une seule de leurs compositio­ns, mais de la musique classique ou des années 1970. J’ai vraiment été sidéré par la force plastique du film. C’est assez inouï pour un premier film une telle assurance à s’approprier le cinéma, une telle maîtrise formelle aussi. Et

puis une liberté qui le rend assez insituable. Bien sûr, à sa sortie, il dialoguait avec un certain nombre de gestes forts du cinéma contempora­in, qui allait puiser dans le désert américain les conditions d’une grande ascèse formaliste : Gerry de Gus Van Sant [2002], The Brown Bunny de Vincent Gallo [2003]… Mais on pense aussi aux films qui ont influencé ces deux-là : en tout premier lieu, Zabriskie Point de Michelange­lo Antonioni [1970]. Electroma est traversé de ces références, mais aussi de quelque chose de très innocent, de très pur, dans l’approche du cinéma. Thomas Bangalter a réalisé toutes les prises de vues. Il a démonté une caméra pour comprendre comment elle marchait. Il y a quelque chose d’assez primitif dans ce film.

Bien sûr, ce n’est pas un hasard s’ils ont choisi d’en prélever des images pour la vidéo annonçant leur séparation. C’est une réflexion profonde sur l’impossibil­ité à se rapprocher de l’humanité. Et cette quête impossible se conclut par une autodestru­ction. Le film est tout à fait crépuscula­ire.

Leur passage à la Quinzaine des réalisateu­rs pour le présenter me laisse en revanche un souvenir très joyeux. Ils étaient venus sans casque. Pour monter sur scène, ils avaient fait le choix d’être entourés par toute l’équipe et quelques potes, et rien dans la présentati­on ne devait les distinguer du groupe. C’était une façon drôle et habile de préserver leur anonymat. Le film a été bien accueilli, mais est passé à mon sens trop inaperçu. Sa diffusion, ensuite, est demeurée très confidenti­elle. Depuis, il est très rarement montré. Il reste méconnu et mésestimé, aussi bien auprès des fans des Daft Punk que des cinéphiles. Alors qu’il a l’aura hypnotique des plus grands films expériment­aux. Je le considère comme l’un des plus beaux films que j’ai eu la chance de montrer à Cannes.”

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Daft Punk’s Electroma (2006)

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