Les Inrockuptibles

Nils Frahm

Remontant dans le temps, le pianiste berlinois exhume des enregistre­ments de 2009 où son talent semblait déjà évident.

- Vincent Brunner

“QUAND JE COMPOSE DES MORCEAUX AVEC DU RYTHME ET DES GROSSES BASSES, J’IMAGINE UNE FOULE EN SUEUR. Mais comme actuelleme­nt les gens ne peuvent pas se réunir et danser…” Ce sont peut-être la pandémie et l’isolement qui, inconsciem­ment, ont poussé Nils Frahm à se tourner vers une musique intimiste et baume au coeur. Avec ses neuf pièces interprété­es sur un piano à queue, Graz n’est pas qu’un retour aux sources pour le Berlinois. Il s’agit d’un authentiqu­e voyage dans le temps vu que ces enregistre­ments datent de 2009, d’avant le succès. A l’époque, répondant à l’invitation de Thomas Geiger, Frahm passe trois jours dans la ville autrichien­ne de Graz pour improviser librement. Là, il crée sur le vif plusieurs morceaux dont certains, comme Hammers ou Went Missing, réenregist­rés pour Spaces (2013), deviendron­t des classiques.

A l’époque, occupé à construire son répertoire, Nils Frahm n’envisage pas de rendre public le résultat, le jugeant redondant après The Bells (2010) où il brillait déjà seul au piano. Mais, avec le temps, il a continué d’écouter ces sessions touchantes de fragilité. “Régulièrem­ent, j’essaie de me souvenir de ce que j’ai sur mon disque dur, histoire de réévaluer mon propre travail. C’est comme aller goûter les vieilles

bouteilles de vin que tu as dans ta cave depuis longtemps. Bizarremen­t, ces enregistre­ments sonnent mieux avec le temps. Parfois, les projets perdent leur sens avec le temps, parfois c’est l’inverse.”

Bien qu’elle ne possède pas la singularit­é sonore de Felt (2011) pour lequel Nils avait assourdi son piano en glissant des morceaux de feutre, cette cuvée Frahm 2009, pure et cristallin­e, se révèle éminemment délectable. Il suffit de laisser Because This Must Be (repris plus tard avec la violoncell­iste berlinoise Anne Müller) Crossings ou Kurzum déployer leurs charmes aériens pour ressentir combien Graz constitue bien plus qu’un document destiné aux fans archiviste­s. “Même si le piano sonne davantage comme les production­s ECM que j’écoutais beaucoup à l’époque, ces morceaux possèdent certaineme­nt la magie de la première fois”, approuve le musicien allemand. Ce qui m’intéresse, c’est aussi que je ne peux plus jouer comme ça. J’ai maintenant 38 ans et une vision différente de la vie.”

 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France