Les Inrockuptibles

Covidwood, l’année où Hollywood s’arrêta

- de Didier Allouch Jacky Goldberg

Quel visage pour le cinéma US dans l’après-pandémie ? Témoignage­s éclairés à l’appui, le journalist­e français prend le pouls d’une industrie durablemen­t ébranlée.

PERSONNE EN FRANCE NE CONNAÎT MIEUX LES ROUAGES DU CINÉMA HOLLYWOODI­EN que Didier Allouch, qui couvre le sujet depuis plus de vingt ans pour Canal+, à Los Angeles, dans son émission L’Hebd’Hollywood. Aussi, lorsque la pandémie a frappé en mars 2020, il est immédiatem­ent parti enquêter pour comprendre quelles conséquenc­es le fléau aurait sur l’usine à rêves. Un an plus tard, avec Covidwood, l’année où Hollywood s’arrêta, il en tire un documentai­re foisonnant, regorgeant d’entretiens et d’analyses permettant de comprendre les mutations profondes en train d’affecter le cinéma mondial – car quand l’Amérique éternue, c’est le monde entier qui s’enrhume. 2020 avait tout pour être un grand cru cinématogr­aphique, rappelle Allouch en préambule. On l’a peut-être oublié, mais tous les voyants étaient au vert pour l’industrie, après une année 2019 record. Quand la crise a éclaté, la plupart des acteur·trices du secteur ont voulu croire à un arrêt temporaire, certes handicapan­t, mais gérable.

Or dès la fin du printemps 2020, il est apparu évident que les salles allaient pour longtemps rester fermées, ou du moins opérer avec des capacités très réduites, que les tournages seraient eux aussi durablemen­t touchés, que les festivals ne seraient plus les mêmes, et que c’est peut-être toute la façon de concevoir, de vendre et de consommer des films qui allait changer. S’il ne contient pas de scoop, ce documentai­re fait vraiment

le tour de la question et offre une parfaite synthèse de tous ces enjeux. Ne lui manquait qu’un·e insider au sein d’une plateforme, qui aurait pu apporter ce point de vue-là.

Parmi les nombreux·euses intervenan­t·es auxquel·les Allouch a tendu son micro (ou, plutôt, qu’il a invité·es à discuter sur Zoom), les deux plus intéressan­ts sont Jason Blum, le producteur de films d’horreur à petit budget qu’on ne présente plus, et le volubile Tom Rothman, à la tête de Sony Pictures. Si le premier ne semble pas avoir de mal à tirer son épingle du jeu, ayant toujours intégré la contrainte à son processus créatif, le second se retrouve à gérer le seul studio ne disposant pas d’une plateforme de streaming.

Fort d’un humour et d’un franc-parler qui tranchent avec la retenue habituelle du milieu (un bon client, comme l’on dit), il ressemble à un personnage de CurbYour Enthusiasm, qui, confronté à l’apocalypse, lèverait les paumes vers le ciel en faisant la moue. La bonne nouvelle, c’est qu’il ne croit pas à la mort de la salle – mais pourrait-il affirmer autre chose ? Sincère ou pas, on a envie de le croire, et d’imaginer que Sony, où Quentin Tarantino travaille désormais, peut devenir le dernier studio capable d’offrir à ses auteur·trices le luxe du cinéma à l’ancienne.

Covidwood, l’année où Hollywood s’arrêta de Didier Allouch (Fr., 2020, 52 min).

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