Catch a Fire (1973)
Habitués à être arnaqués, les Wailers n’en reviennent pas : le patron d’Island Records, Chris Blackwell, convaincu de leur potentiel, leur offre une avance de 4 000 livres pour qu’ils enregistrent un album dans de bonnes conditions. Avec beaucoup de discipline, le groupe saisit l’opportunité et polit une dizaine de morceaux, dont 400 Years, paru quelque temps plus tôt en single en Jamaïque, et Stir It Up, déjà popularisé par Johnny Nash. Enchanté par le résultat, du pur reggae, à la fois brut et plein de soul, Chris Blackwell a cependant l’intuition que, pour toucher le public rock, des ajustements sonores sont nécessaires. Il convie notamment deux Américains, le guitariste Wayne Perkins et le clavier John “Rabbit” Bundrick (que Marley a rencontré en Suède), pour une série d’overdubs.
L’idée de Blackwell se révèle brillante : si les chansons perdent un poil de leur simplicité initiale, elles gagnent en relief et en espace. Grâce à un superbe solo de Perkins et à une nouvelle ligne de basse signée Robbie Shakespeare, Concrete Jungle, qui décrit la misère de West Kingston, devient ainsi plus ombrageux et hypnotique. Même si, à sa sortie, il se vend à 14 000 exemplaires, Catch a Fire, avec sa pochette reprenant le design du Zippo, constitue la mèche d’un succès que l’opiniâtreté et les tournées finiront par allumer. Si, en 2001, l’édition deluxe a dévoilé les enregistrements jamaïcains avant tripatouillage, c’est bien la version réarrangée avec Blackwell qui est entrée dans l’histoire, ouvrant des perspectives inédites au meilleur groupe jamaïcain de l’époque.