Exodus (1977)
Enregistré en exil, l’album le plus politique du chanteur en porte-parole.
Juste après la sortie de Rastaman Vibration, l’aura de Marley est tellement énorme dans son pays qu’il devient le jouet des forces politiques. Au pouvoir depuis quatre ans, le People’s National Party socialiste de Michael Manley propose à Bob de donner un concert gratuit nommé Smile Jamaica le 5 décembre 1976. Initialement apolitique, l’événement est instrumentalisé par Manley et, au fur et à mesure que le concert approche, les tensions montent à Kingston. Deux jours avant, des tueurs tirent sur le manager Don Taylor, Rita et Bob Marley. Malgré ces intimidations, le concert a bien lieu. Mais dès qu’il est sorti de scène, le chanteur part en convalescence à Nassau, puis New York, avant de s’installer à Londres en janvier 1977 pour une année d’exil plutôt douce – Bob a une liaison avec Cindy Breakspeare, qui vient d’être couronnée Miss Monde.
C’est néanmoins dans la capitale anglaise que Marley reprend le combat artistique. Car, plutôt que de le déprimer, la tentative d’assassinat à laquelle il a échappé le pousse à contre-attaquer, à ne surtout pas se résigner. Entre février et mars, dans les studios d’Island à Notting Hill, avec un groupe où le guitariste Al Anderson a été remplacé par Junior Marvin, il enregistre une vingtaine de nouvelles chansons. Certaines des plus romantiques finiront sur Kaya, mis sur le marché dans un second temps en mars 1978 avec Is This Love ou Sun Is Shining. Les autres formeront Exodus, dont l’intitulé fait référence au récit biblique de l’exode des Hébreux, partis d’Egypte pour s’émanciper.
Mêlant mysticisme, politique et préoccupations plus sensuelles – Turn Your Lights Down Low, écrit pour Breakspeare –, le recueil, concis et catchy, est un miracle d’équilibre. Avec ses accompagnateurs, Marley réalise une synthèse inédite entre reggae jamaïcain et rhythm’n’blues américain – la reprise de People Get Ready de Curtis Mayfield couplée avec One
Love – augmentée de touches de rock anglais. Exodus et sa transe de sept minutes, Jamming,Waiting in Vain ou Three Little Birds deviennent aussitôt des classiques – c’est l’album qu’on retrouvera le plus sur la compilation Legend, l’album de reggae le plus vendu de tous les temps.
L’édition deluxe d’Exodus prolonge le plaisir avec cinq morceaux saisis lors d’un concert au Rainbow Theatre londonien. Surtout, a été ajouté le résultat des retrouvailles avec Lee Perry datant de l’été 1977. Alors en studio avec The Clash pour y graver Complete Control, le sorcier du dub alerte Marley sur la nouvelle génération anglaise qui préfère la musique jamaïcaine aux dinosaures rock. Commencé à Londres avec des membres d’Aswad et Third World, bouclé en Jamaïque par Perry à coups d’overdubs, Punky Reggae Party scelle avec majesté l’union des rastas et du mouvement punk. Sorti en novembre sur Tuff Gong, ce single historique est flanqué d’une savoureuse version dub.