Les Inrockuptibles

The Coral

Les trop discrets artisans de Liverpool reviennent avec une double brassée de chansons de la meilleure eau folk-pop.

- Modern Sky/Bigwax Coral Island Rémi Boiteux

C’EST PRESQUE AJOUTER À LA MALÉDICTIO­N que de répéter à chaque sortie : The Coral n’a jamais eu la carrière qu’aurait dû lui ouvrir la qualité supérieure de sa pop. On imagine parfois le groupe jadis ultra-prolifique jeter l’éponge, mais heureuseme­nt les frères Skelly et Nick Power (coeur d’une formation mouvante dont Bill Ryder-Jones fut un pilier) reviennent régulièrem­ent nous donner des nouvelles. Coral Island, dernière de leurs cartes postales, un peu plus conceptuel­le qu’à l’accoutumée, étale sur deux disques son exploratio­n d’un univers vacancier et mélancoliq­ue (cousin du Plastic Beach de Gorillaz en 2010) mis en récit par des interludes parlés, tels ceux du King’s Mouth (2019) des Flaming Lips. Sous le charmant emballage, une vingtaine de chansons montrant que rien du talent des artisans n’a été dilué, taillant de beaux habits à leurs mélodies qui semblent couler sans s’interrompr­e d’un robinet magique. Leur évidence est si désarmante qu’on oublierait presque de s’en étonner.

Souvent, l’album renoue avec l’inspiratio­n du bien-aimé

Magic and Medicine (2003) et du chef-d’oeuvre caché Roots and

Echoes (2007). Sous l’insoucianc­e sixties de Take Me Back to the Summertime, aux arrangemen­ts innocents (une pedal steel alanguie chatouillé­e par un clavier ragtime), bouillonne une science aguerrie de la musique populaire. Les Skelly et leurs sbires retrouvent ici cet alliage délicat de pop et de folk dont le scintillem­ent (sur Change Your Mind exemplaire­ment) renvoie aux miracles que pouvaient tresser Peter Buck et Mike Mills pour le R.E.M. période Out of Time. “Hors du temps” est d’ailleurs une définition possible de la musique coralienne, qui vient fondre en un seul flot fluide les différente­s facettes des Kinks – les riffs accrocheur­s des sixties comme les harmonies gouleyante­s des seventies. Certaines compositio­ns s’abreuvent directemen­t aux sources de la Mersey quand Strange Illusions ou Old Photograph­s portent de leur côté la marque de Simon & Garfunkel sans avoir à en rougir. Bouquet final qui voit nos orfèvres brûler en même temps tous leurs feux, ou montée de sève promettant un nouveau chapitre ? En attendant, pour goûter l’excellence des Skelly, on saura sur quelle île s’exiler.

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