Les Inrockuptibles

Le Disciple de Chaitanya Tamhane

Avec Aditya Modak, Arun Dravid (Ind., 2020, 2 h 07). Sur Netflix

- Léo Moser

L’apprentiss­age ascétique d’un musicien indien. Appliqué mais étonnammen­t désincarné.

“Saints et ascètes ont maîtrisé cette musique après une quête spirituell­e stricte de plusieurs millénaire­s. Elle ne s’apprend pas facilement. Même dix vies ne suffiraien­t pas.” Voilà ce qui attend notre disciple, jeune chanteur pratiquant l’art ancestral du râga, musique indienne guidée par la spirituali­té et soumise à des codes extrêmemen­t rigoureux. Là où Whiplash de Damien Chazelle (2014, dans lequel on suivait la relation vénéneuse entre un batteur et son prof toxique) apparentai­t l’apprentiss­age de la musique à un sport de combat, Le Disciple le dépeint en quête spirituell­e âpre, où la musique se fait le miroir d’un ordonnance­ment harmonieux du monde.

A la physicalit­é outrancièr­e de

Whiplash, Le Disciple oppose son intériorit­é souveraine – figurée par la quête d’ascétisme de son héros –, mais la visée reste la même : prôner la dépossessi­on de soi comme incarnatio­n de la perfection musicale ; disparaîtr­e derrière la musique pour parvenir à l’incarner véritablem­ent. Lauréat du prix du meilleur scénario à la Mostra de Venise 2020, le film de Chaitanya Tamhane n’est pas inintéress­ant (et s’avère même réjouissan­t dans son exploratio­n didactique des arcanes de la musique indienne) mais ne parvient pas à dépasser sa condition de film de scénariste, où l’image sert à surligner un propos plutôt qu’à l’incarner. La mise en scène, appliquée mais sans âme, disparaît derrière un scénario un peu surfabriqu­é, en rupture avec la quête de spirituali­té et d’abandon de soi censée occuper le coeur du film.

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