Frédéric Boyer

(Gallimard), 160 p., 15 €

Un beau texte introspectif qui interroge la façon de construire une vie d’homme.

Frappé par deux deuils, le narrateur de ce livre ne peut trouver la paix, mais un étrange thérapeute lui confie : “Laissez partir les morts.” Alors il plonge en lui-même, et dans ce qui tient du dédale psychanalytique autant que de l’expérience mystique, surgissent des scènes oubliées. Dont celle d’un animal innocent abattu par ses mains d’enfant. “Mon petit cadavre. Ma victime.”

On imagine qu’un matériau autobiographique est à l’origine du livre. Frédéric Boyer, écrivain, traducteur et directeur des éditions P.O.L, a récemment perdu sa compagne, la philosophe Anne Dufourmantelle, et son éditeur, Paul OtchakovskyLaurens. Mais le sujet n’est pas la vie privée de l’auteur. Ce texte intense met en mots l’accumulation de pertes que suppose la construction d’une vie d’adulte. Il fait émerger aussi ce qui n’a jamais été dit, secrets familiaux ou trouble de certains souvenirs. Enfant, le narrateur était fasciné par un voisin qui l’emmenait à la chasse. Aujourd’hui, il s’interroge sur la sensation de liberté et de dégoût mêlés que lui inspirait cet homme. Et il se souvient du lièvre abattu comme d’un rite initiatique sanglant, imposé à un enfant incapable de s’y dérober. Apparaît alors une autre thématique qui court en filigrane tout au long du livre : la masculinité et ses codes implacables.

Le Lièvre