Les Inrockuptibles

“Je suis intimidée par mon propre désir”

- Propos recueillis par Jean-Marc Lalanne

L’actrice nous parle de ses carburants érotiques, qui vont du mystère nécessaire à la séduction aux corps des sportifs… Est-ce toujours la même chose que tu trouves sexy chez les gens (des parties du corps, des traits de comporteme­nt…) ou cela varie-t-il selon les personnes ?

C’est extrêmemen­t élastique. J’ai quand même quelques petits fétichisme­s : je suis attirée par les avant-bras des garçons. Les poils, les veines apparentes, ça m’émeut, et j’ai l’impression que ça raconte quelque chose de leur personne. Mais, pour l’essentiel, ce que je trouve sexy relève plutôt du mental que du physique. La chose qui me procure la plus forte émotion érotique, c’est le mystère dont est porteuse une personne : le silence, les non-dits, quelque chose qui pourrait se dire mais qui est retenu, et qui du coup passe par l’intensité d’un regard, d’une présence.

Ce hors-champ dont tu investis une personne, n’est-il pas arrivé de te dire à la fin que tu avais tout construit toute seule et que la personne n’avait pas d’autres mystères ou secrets que ceux que tu projetais ?

Eh bien non ! (rires) Je me suis rarement trompée. Quoi qu’il se passe à la fin, je ne me suis jamais dit que la personne n’avait pas été à la hauteur de mon fantasme.

L’humour n’est pas un carburant érotique pour toi ?

Non, pas du tout. C’est très important dans mes relations amicales. Mais quand je veux séduire quelqu’un, je ne fais pas de blagues et je ne trouve pas spécialeme­nt érotique l’aptitude d’une personne à me faire rire. Je suis troublée par ce qui est lacunaire chez les gens, ce qu’ils cachent et que j’essaie de deviner. Ça rejoint d’une certaine façon mon domaine d’activité. Être actrice consiste aussi à imaginer ce qui détermine un personnage, le remplir de récits…

Est-ce que pour séduire, tu joues un personnage, comme une actrice ?

Non, pas du tout. Je ne feins jamais pour séduire. Une rencontre amoureuse pour moi se doit d’être l’endroit de la vérité. Ce qui est sexy, c’est l’aveu, l’abandon.

Est-ce important pour toi qu’on te trouve sexy ?

Je n’y suis pas tellement habituée. J’ai commencé mon métier enfant. Je n’ai donc jamais compté là-dessus pour ma carrière. Quand, plus tard, j’ai pu être envisagée comme sexy, ça m’a toujours surprise. Dans ma vie adolescent­e, je ne m’envisageai­s pas non plus du tout comme sexy. Et j’ai pu être un peu dégoûtée de n’en avoir aucun des attributs : grosse bouche, gros seins…

Quand tu étais ado, qui trouvais-tu sexy ?

J’avais un poster de Leonardo DiCaprio dans ma chambre. Et de Gustavo Kuerten [un joueur de tennis]. Il m’obsédait. Je serais partie vivre au Brésil pour le rejoindre. (rires) Je fantasme pas mal sur les grands sportifs : Tsitsipás, Neymar, dont l’animalité de léopard me trouble beaucoup… Ce qui m’excite, c’est que leur corps soit très important, mais le fait d’être sexy n’en est pas l’enjeu. Ils sont concentrés sur des enjeux plus grands, et cette concentrat­ion

me bouleverse. Peut-être parce que ça donne l’impression qu’ils ne s’intéresser­ont jamais à toi, et que, du coup, jaillit l’envie de les détourner. (rires)

Es-tu traversée par des pensées érotiques tous les jours ? Toutes les heures ?

Tous les jours, bien sûr. Peut-être pas toutes les heures quand même… Ça dépend des jours… (rires) Disons la moitié de la journée. Je passe beaucoup de temps à regarder les gens qui m’attirent, je peux assez facilement leur dire que je les trouve beaux. C’est très éveillé en moi tout ça. Mais je suis un peu intimidée par mon propre désir. Il part trop dans tous les sens, si je suis trop à son écoute, il pourrait m’entraîner à faire n’importe quoi… Il vaut mieux pour moi que mes fantasmes restent des fantasmes. (rires)

Une scène de cinéma qui t’a marquée érotiqueme­nt ?

Dans A History of Violence de David Cronenberg, la scène où le couple interprété par Viggo Mortensen et Maria Bello fait l’amour dans l’escalier de leur maison et monte les marches tout en étant enchevêtré.

Une chanson pour faire l’amour ?

La reprise de The Sound of Silence de Simon and Garfunkel par Chromatics. On a l’impression d’être dans une église, les voix ont un écho un peu sacré, et pourtant elles sont extrêmemen­t sensuelles. C’est très beau.

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