FÉVRIER de Kamen Kalev
Trois saisons de la vie d’un homme dépassé par sa propre existence. D’une puissance formelle constante.
Au commencement, il y a la nature. Une nature montagneuse, vivifiante et indifférente, presque vierge. Au coeur de ces paysages splendides, un berger et un enfant qui vaquent à leurs occupations en silence ou presque. Tel est le cadre de la première partie de Février du Bulgare Kamen Kalev, dont c’est déjà le cinquième long métrage. L’âpreté contemplative de ce premier acte se déploie en d’impressionnants plansséquences, qui exercent une certaine fascination.
Mais cette partie pastorale n’est que le premier acte de la vie d’un personnage, Petar, qu’on retrouve plus tard, jeune adulte, à l’armée, aussitôt après avoir convolé en justes noces. Au milieu d’un groupe de militaires stationnant sur une île, Petar demeure étranger à ce qui lui arrive. Presque aussi mutique que dans le premier acte, Petar semble, malgré tout, plus inadapté à cette vie ultra-réglée qu’il traverse comme une ombre. On n’est finalement pas si loin d’une figure existentialiste, même si le jeune militaire n’exprime jamais ses sentiments, restant opaque jusqu’au bout. Par la grâce d’une nouvelle ellipse temporelle, on rejoint ensuite Petar, déjà vieux, pour le dernier acte de sa vie. Il a retrouvé les montagnes de son enfance ; il est seul et son existence se résout en une lutte contre le Temps et la Nature. Et l’on comprend maintenant que le propos de Février est de nature métaphysique puisqu’il s’agit bien, pour Kamen Kalev, de décrire, par ce triptyque, la vie d’un homme dépassé par sa propre existence. S’il y a transcendance, c’est par la mise en scène qu’elle s’exprime. Une mise en scène impressionnante de maîtrise, captant le temps qui passe sans emphase, avec une obstination formelle de tous les instants. Cette toute-puissance de la mise en scène fait évidemment la force de Février, mais elle marque aussi la limite d’un film qui, malgré une belle respiration, frise parfois l’asphyxie.
Février de Kamen Kalev, avec Dimitar Radoinov, Lachezar
Nikolayev Dimitrov (Bul., 2020, 2 h 05). En salle depuis le 30 juin