LEÏLA DANS MA POCHE

L’un des livres de poche qui m’accompagneront cet été est Le Pays des autres. Un parfum de nostalgie reste pour moi attaché à ce roman, peut-être parce que c’est juste après avoir réalisé, à l’occasion de sa sortie le 5 mars 2020, un Inrocks spécial (le 26 février 2020) avec son autrice, Leïla Slimani, que le monde basculait dans le premier confinement et l’incertitude. Le pays des autres, c’est aujourd’hui, métaphoriquement, le pays où nous vivions alors, et ces autres, ce sont nous-mêmes, mais un an plus tôt. Il y a quelque chose dans les personnages mis en scène par Slimani (ses grands-parents maternels et sa mère enfant) qui les rend si proches de nous aujourd’hui, contre toute attente, puisque eux sont pris dans l’histoire coloniale : ils vivent, comme nous tous·tes, en marge du pays des autres.

Ils y sont, dans ce pays, mais ne s’y sentent pas chez eux. Le grand-père marocain ne se sent pas le bienvenu dans le Maroc colonisé par les Français, et la grand-mère française ne se sent pas chez elle dans ce Maroc ancestral et patriarcal. Premier volet de cette vaste fresque familiale de l’émigration,

La guerre, la guerre, la guerre véhicule bien l’universel sentiment du déplacement. Et il y a eu quelque chose de cet ordre – même si moindre… – avec le Covid. Sentiment d’avoir été déplacé·e de sa propre vie, de ce que l’on prenait pour son centre. Mais ce sont ces sensations qui, parfois, produisent des livres comme celui-là. On ne s’en plaindra pas.

Le Pays des autres – La guerre, la guerre, la guerre de Leïla Slimani (Folio), 416 p., 8,60 €. En librairie