Les Inrockuptibles

CHRONIQUES D’UNE STATIONSER­VICE d’Alexandre Labruffe

Vous ne pouvez pas partir cet été ? Faites le tour des autoroutes avec ce premier récit loufoque.

- Yann Perreau

Ça n’a, a priori, aucun intérêt. Une station-service est ce lieu où l’on s’arrête le moins longtemps possible, uniquement pour remettre de l’essence, attraper éventuelle­ment un café ou un sandwich au goût de plastique. Mais quand on est de l’autre côté du comptoir, comme le narrateur des Chroniques d’une station-service, on observe cet environnem­ent en transit perpétuel, ce ballet incessant de camionneur­s fanfarons, de VRP alcoolique­s, de motards moroses, d’aliments venus du bout du monde, de nouvelles imprimées chaque jour dans les quotidiens, comme autant de signes de la mondialisa­tion effrénée. Avant de devenir gérant de cette station-service coincée entre deux bretelles d’autoroutes, Alexandre se rêvait Jean Baudrillar­d.

Il a ce don d’observer, qui lui permettra de déceler dans les allers-retours d’un type, à première vue, sans histoire les indices d’une histoire criminelle. De philosophe, qui disserte sur l’état de la planète avec son meilleur ami en jouant aux échecs, il deviendra détective malgré lui. Puis otage d’une histoire d’amour qui lui échappe. S’il fait penser aux beautiful losers de Philippe Djian, le héros d’Alexandre Labruffe est aussi un romantique sublime, le roman prenant des accents proches de ceux du Rivage des Syrtes de Julien Gracq. Entre polar, aphorismes et poésie du presque-rien, un premier roman réjouissan­t.

Chroniques d’une station-service d’Alexandre Labruffe (Folio), 160 p., 6,30 €. En librairie

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