Les Inrockuptibles

I KNOW I’M FUNNY HAHA de Faye Webster

Après le carton d’Atlanta Millionair­es Club (2019), la kid du sud des États-Unis est de retour avec un album soyeux, entre country music, soul blanche et ambiance de speakeasy tamisé.

- François Moreau

Au détour d’une conversati­on où il était question de ce loser magnifique de Townes Van Zandt, Turner Cody, figure emblématiq­ue de la scène anti-folk new-yorkaise des années 2000 et maverick de comptoir notable, nous confiait n’écouter plus que de la country music. Après avoir cité le nom de Colter Wall, petit prince même pas trentenair­e de l’outlaw made in Canada, Cody déclarait avoir trouvé dans ce genre pour cow-boy claudiquan­t la créativité qu’il ne trouvait plus dans les scènes rock indépendan­tes. Bénéfician­t d’un sacré coup de projecteur ces dernières années (de Taylor Swift à Kacey Musgraves, en passant par Lil Nas X), la country a surtout été digérée par une jeune génération qui n’aura pas hésité longtemps avant de poser son spleen sur les langueurs d’une pedal steel guitar

aux effluves hawaïennes, faisant le lien entre une tradition bien ancrée dans le paysage et la pop ultramoder­ne et audacieuse de Weyes Blood, Aldous Harding et consorts.

C’est ainsi que débarqua au cours des années 2010 Faye Webster, 23 ans, jeune artiste d’Atlanta qui fit un carton en 2019 avec Atlanta Millionair­es Club

– un titre que le trappeur Peewee Longway n’aurait pas renié. Ce troisième album la voyait s’éloigner de ses premières compositio­ns country-folk, prometteus­es, mais encore un peu branlantes, et portait en lui une certaine idée du brassage culturel qui caractéris­e le sud des États-Unis : “Je ne saurais pas catégorise­r ma musique, disons que je prends juste ma guitare et que je chante,

se marre-t-elle. J’ai grandi en écoutant les trucs que mes parents passaient dans la voiture, essentiell­ement des classiques de la country et du western swing. La musique country a donc été mon influence première.”

Passée la période de confinemen­t, qui ne semble pas l’avoir trop inspirée (“Je n’ai pas eu l’impression d’être créative”),

Faye annonçait il y a quelques semaines la sortie de son quatrième album, I Know I’m Funny haha (toute ressemblan­ce avec le cinéma d’Andrew Bujalski est-elle vraiment fortuite ?). Déployé dans l’écrin soyeux d’un speakeasy fantasmé qui constituai­t déjà le décor du précédent, ce nouveau disque étreint encore davantage son art du songwritin­g, sorte de chassécroi­sé de fulgurance­s soul (le refrain instantané­ment culte de In a Good Way),

de dépouillem­ent introspect­if à la lueur d’une lune rousse (Half of Me) et de romantisme de teenager un poil slacker sur les bords (Cheers). “Je ne peux plus réécouter mon premier album. Ce n’est qu’un vague souvenir, il ne sonne plus très bien à mes oreilles. Il n’est pas une bonne représenta­tion de ce que je suis”,

nous rencarde-t-elle.

Faye est d’ailleurs plutôt du genre à bosser en solo : “J’écris mes chansons seule et je ne les joue jamais à personne avant de les présenter au groupe en studio. La musique est toujours meilleure quand chacun sait ce qu’il a à faire et qu’elle est mise en boîte sur le vif.” Un truc de photograph­e, sûrement, elle qui mitrailla la scène trap d’Atlanta et fut signée un temps sur le label local Awful Records, maison mère, entre autres, de Playboi Carti et Father. Ce dernier figurait d’ailleurs au générique d’Atlanta Millionair­es Club, le temps d’une ballade r’n’b futuriste, Flowers. Pour I Know I’m Funny haha, c’est au Japon que Faye est partie chercher son featuring, en la personne de la musicienne et photograph­e mei ehara. Une incursion mélancoliq­ue, comme une esquisse pop où un vieux synthé remplace la pedal steel. L’avenir est radieux.

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I Know I’m Funny haha (Secretly Canadian/PIAS). Sortie le 25 juin

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