Les Inrockuptibles

COLD TEARS de Dominic Sonic

Un an après la disparitio­n du chanteur et musicien breton, son fulgurant premier album, paru en 1989, est réédité par Crammed Discs.

- Jérôme Provençal

Fan de rock pur et dur, Dominic Sonic – né Dominique Garreau, en 1964, à Dinan – commence à s’adonner lui-même aux joies inégalable­s du raffut électrique durant son adolescenc­e. Après avoir mitraillé des décibels pendant plusieurs années au sein de Kalashniko­v, gang punk chaotique auteur d’un unique mini-album ( USSR in Back, 1985), il choisit de quitter le groupe (en voie d’autodestru­ction avancée) pour se lancer en solo. Ayant enregistré une maquette avec plusieurs chansons en 1987, il effectue la même année diverses prestation­s scéniques (et soniques) en compagnie du guitariste Vincent Sizorn, parmi lesquelles une première partie de The Jesus & Mary Chain à Paris (octobre 1987, Élysée-Montmartre). Porté par un accueil favorable, il poursuit sur sa lancée et, en 1988, signe un contrat avec le classieux label bruxellois Crammed Discs (Minimal Compact, Tuxedomoon, Colin Newman…).

“Nous avons très vite été séduits par sa musique, raconte Marc Hollander, fondateur de Crammed Discs. En outre, c’était un garçon adorable, charmant et touchant, avec une personnali­té très positive, loin du cliché du rockeur.”

À l’automne 1988, Dominic Sonic se rend à Bruxelles pour mettre en boîte son premier album, au studio Daylight. Outre Vincent Sizorn (guitare), A. Sloan (claviers), Tonio Marinescu (batterie), Pierre Corneau (basse) et Bénédicte Villain (violon) se joignent à lui sur certains morceaux. L’enregistre­ment se déroule durant douze nuits, la production étant assurée par Gilles Martin, ingénieur du son attitré de Crammed Discs – et futur producteur du Boire de Miossec (entre autres).

“Tout s’est bien passé, même s’il y a forcément des moments un peu perdus quand on enregistre la nuit, notamment vers 4 heures ou 5 heures du matin”,

se souvient Marc Hollander. Fruit de ces sessions nocturnes, Cold Tears paraît en mai 1989. Le vinyle contient dix morceaux, le CD en offrant deux supplément­aires, dont une vibrante reprise du sulfureux Cocksucker Blues

des Rolling Stones. D’entrée, on prend une claque avec When My Tears Run Cold, classique instantané, au rythme midtempo, scandé par une pulsation obsédante et zébré de riffs galvanisan­ts. Tout en morgue traînante, le chant de Dominic Sonic achève de rendre l’ensemble parfaiteme­nt irrésistib­le. Aussi étincelant­e soit-elle, cette première chanson ne relègue pas les autres dans l’ombre. Sans passage à vide, l’album enchaîne les ballades accrocheus­es

– plus ou moins nerveuses –, et captive de bout en bout. Citons l’incandesce­nte Shadows in the Fire, la lancinante What I’m Waiting For, l’orageuse Call Me Mister

et une reprise acrimonieu­se de Cold Turkey de John Lennon. Si l’anglais, idiome naturel du rock, s’avère la langue majoritair­e, le français résonne avec éclat dans La Loi des pauvres gens, grinçante chanson néo-réaliste, et À s’y méprendre.

Alors âgé d’à peine 25 ans, sous l’influence de divers grands bardes (Iggy

Pop, Johnny Thunders, Richard Hell, The Gun Club, Neil Young…), Dominic Sonic – dont un superbe portrait noir et blanc orne la pochette du disque – fait preuve d’une insolente maestria juvénile sur Cold Tears, sans conteste le pic de sa discograph­ie. Un an après la mort du chanteur, emporté par un cancer le 23 juillet 2020, Crammed Discs réédite l’album et y ajoute cinq morceaux bonus provenant d’un maxi sorti en 1990 : une version alternativ­e d’À s’y méprendre, trois morceaux live et A Pain Song, ardente ballade acoustique.

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Cold Tears (Crammed Discs/L’Autre Distributi­on). Sortie le 23 juillet

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