Les Inrockuptibles

PASSION SIMPLE de Danielle Arbid

Par strates subtiles, la cinéaste donne chair à l’obsession amoureuse décrite par Annie Ernaux.

- Marilou Duponchel

En adaptant le texte d’Annie Ernaux, Danielle Arbid fait le pari de raconter une histoire où, a priori, “il ne se passe rien”. Hélène, professeur­e de français, en fait l’aveu :

“À partir du mois de septembre l’année dernière, je n’ai plus rien fait d’autre qu’attendre un homme.”

De cette stase amoureuse, la cinéaste tire un subtil principe de mise en scène qui épouse à merveille les circonvolu­tions intérieure­s de son personnage, dont la vie ne s’est pas arrêtée, mais déplacée.

Les mouvements de caméra caressant la blondeur hitchcocki­enne d’une Lætitia Dosch jamais vue dans pareille retenue l’isolent de la réalité des autres en même temps qu’ils en construise­nt une nouvelle. La bonne idée de Passion simple est de décrire, comme pour l’archiver, les étapes de cette passion comme un éblouissem­ent, dans son sens le plus limpide. Chaque plan est inondé d’une lumière irréelle ; et le film parvient à restituer l’espace de quelques instants l’ineffable d’une attirance. Raconter la passion sous un nouveau jour – autre que celui, usé, de l’emprise –, sans en évincer la violence, était aussi au coeur de l’oeuvre d’Ernaux. Mais la prouesse de Passion simple est de croire suffisamme­nt fort en ses propres outils pour éviter toute forme de littéralit­é. Le déracineme­nt éprouvé par Hélène est rendu par un nuancier de surimpress­ions, jeux de miroirs qui formulent, sans les expliciter, les contradict­ions d’une subtile vérité, celle d’une histoire d’abandon et de pure présence. On entend beaucoup de chansons d’amour dans Passion simple.

Là encore, le film trouve dans la fausse légèreté des mélodies une forme d’évidence. Peut-être se souvient-il des mots de Fanny Ardant qui, dans

La Femme d’à côté, disait aimer les chansons pour leur vérité car “plus elles sont bêtes, plus elles sont vraies. D’ailleurs, elles ne sont pas bêtes.”

Passion simple de Danielle Arbid, avec Laetitia Dosch, Sergei Polunin (Fr., 2020, 1 h 39). En salle le 11 août.

Retrouvez notre entretien avec Danielle Arbid et Annie Ernaux p.20

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