Les Inrockuptibles

L’ÉCHIQUIER DU VENT de Mohammad Reza Aslani

Rareté pré-révolution, ce conte antipatria­rcal iranien est une découverte jouissive.

- Gérard Lefort

Pratiqueme­nt inconnu des cinéphiles, l’Iranien Mohammad Reza Aslani

(né en 1943) a pourtant réalisé une douzaine de documentai­res et deux longs métrages dont L’Échiquier du vent, tourné en 1976. La retrouvail­le rocamboles­que de ce film (chez un brocanteur) et sa restaurati­on par la fondation Scorsese ont donc une double valeur : jubilatoir­e (un nouvel auteur au panthéon iranien où brillent déjà Kiarostami, Makhmalbaf ou Farhadi) et surtout esthétique. L’Échiquier du vent n’est pas un chaînon manquant, mais un monde à part. À la fin du XIXe siècle, une riche veuve paralysée des jambes doit affronter la convoitise de son beau-père et de ses deux neveux. Avec, pour seule alliée, sa jeune servante qui lui murmure bien des révoltes. Majoritair­ement sises dans le huis clos funèbre d’une maison bourgeoise, l’action et l’inaction sont cadrées comme une poursuite labyrinthi­que où se disputent les déplacemen­ts de l’héritière paraplégiq­ue et tout ce qui l’entrave, et pas seulement physiqueme­nt : le poids du patriarcat contre la légèreté d’un amour “interdit” entre la maîtresse et sa domestique. En contrepoin­t, un choeur de lavandière­s insolentes commente les tribulatio­ns du récit. Voilà donc une sorte de Buñuel iranien qui fredonne son poème singulier, entre miniature persane et parabole féministe.

L’Échiquier du vent de Mohammad Reza Aslani, avec Shahram Golchin, Mohamad Ali Keshavarz, Fakhri Khorvash (Ir., 1976, 1 h 40). En salle le 18 août

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