UNE BELLE DESCENDANCE
1 KURT VILE : “Le plus grand groupe du monde”
Découvrant le Velvet au lycée et grand thuriféraire de Lou Reed, le songwriter américain livre une version rugissante de Run Run Run avec son groupe The Violators.
“Je me souviens avoir entendu le Velvet Underground au lycée pour la première fois. J’étais déjà fan de Lou Reed, depuis Walk on the Wild Side… Mais lorsque j’ai écouté l’album The Velvet Underground & Nico, j’ai trouvé qu’il y avait quelque chose de magique, de tranchant, quelque chose de tellement accessible dans leur son. C’est aussitôt devenu un incontournable pour moi. On raconte qu’au début de leur carrière, quand ils jouaient devant des publics d’à peine dix personnes, tous les spectateurs ont monté un groupe après les avoir vus. Moi, j’étais beaucoup dans l’indie rock lorsque je les ai découverts. À l’époque, j’écoutais pas mal de groupes comme Pavement, dont certains membres expliquaient dans des interviews qu’ils étaient fans du Velvet. Ça m’a aidé à sentir cette influence sur la scène indie, et même davantage. C’est pour ça que ce groupe est un classique, il y a du doo-wop à certains moments, mais aussi un côté noisy. Cela m’a fait comprendre à quel point je pouvais faire ce que je voulais et combien les possibilités de croiser les genres étaient infinies.
Le Velvet a eu sur moi une influence considérable. Alors, forcément, ça a été la consécration quand j’ai rencontré John Cale. Il m’avait invité à jouer lors de la soirée d’anniversaire du premier album du Velvet, il y a quelques années. Nous avons passé trois nuits à jammer… D’ailleurs, je prévois de retravailler avec lui. J’ai un morceau en tête que j’aimerais que l’on joue tous les deux, et on a toujours prévu d’enregistrer une sorte de mini-EP ensemble. C’est encore dans les cartons… John est une personne géniale. Il peut paraître bourru à certains égards. Il était très intimidant quand je l’ai rencontré pour la première fois, mais c’est quelqu’un d’adorable. Je crois qu’il a fait des efforts pour me mettre à l’aise à cette soirée. Il y a, par exemple, cette photo incroyable de nous deux, côte à côte, prise par mon ami Tom Scharpling après mon concert. On dirait que ma tête est prête à exploser, alors que lui est carrément détendu, à côté de moi, dans son sweat noir.
Je me souviens que Jamie Krents, le boss de Verve Records [qui édite l’album hommage I’ll Be Your Mirror: a Tribute to the Velvet Underground & Nico”], était également à cette soirée d’anniversaire. C’est là qu’il est venu vers moi pour me demander de prendre part à cet hommage. J’aurais aussi aimé reprendre
Pale Blue Eyes… mais le choix de
Run Run Run, que j’ai repris ici avec mon groupe The Violators, était comme une évidence. C’est un titre que j’ai beaucoup joué dans mon adolescence, même si je me rappelle avoir préféré
Femme Fatale à l’époque. Cela dit,
Sister Ray est aussi un chef-d’oeuvre. Mais il y en a trop, je ne peux pas choisir une chanson préférée, leur musique a eu une influence trop forte sur moi. C’est le plus grand groupe du monde à mes yeux. Désormais, leur héritage est partout.”
Alors que paraît l’album hommage I’ll Be Your Mirror: a Tribute to the Velvet Underground & Nico, témoignages d’une génération bercée par ce groupe légendaire. Texte François Moreau & Briac Julliand
2 COURTNEY BARNETT : “L’impression de découvrir quelque chose”
Tombée dans le Velvet Underground à la vingtaine, l’Australienne offre une relecture acoustique et décharnée du I’ll Be Your Mirror immortalisé par Nico.
“Je me rappelle avoir découvert le Velvet dans ma vingtaine. J’avais organisé une soirée chez moi à cette époque, et quelqu’un a oublié son iPod en partant. Comme personne ne me l’a jamais réclamé, je l’ai gardé, et chaque jour en allant travailler j’écoutais un album qui était dessus. Un beau jour, je suis tombée sur le Velvet Underground, j’ai directement accroché. Maintenant, je dois bien avouer que c’est l’un de mes groupes préférés, et une influence énorme pour moi. Mais pour une raison que j’ignore, je n’ai jamais été me plonger dans leur discographie. Je crois qu’en les écoutant j’ai eu l’impression de découvrir quelque chose. Même si d’habitude ce genre d’obsession me pousse à aller tout écouter, je ne l’ai pas fait avec le Velvet. Leur musique est différente. Je suis tellement absorbée par leur son que je ne me plonge pas dans les détails.
C’est particulièrement le cas avec I’ll Be Your Mirror, que j’ai repris pour l’album hommage. Avec le temps, je trouve l’exercice de la reprise de plus en plus difficile : j’ai le sentiment d’avoir besoin d’être en osmose avec chacun des éléments d’un morceau pour le reprendre, surtout au niveau des paroles. Alors qu’avant, je pouvais littéralement chanter n’importe quel morceau. Quand on m’a demandé de choisir un titre, je me suis intéressée à certains, sans ressentir cette connexion avec aucun d’entre eux. Et puis j’ai relu les paroles d’I’ll Be Your Mirror, et je me suis rendu compte que c’était une chanson parfaite. D’autres sont aussi bonnes, pour leur musique ou leurs paroles, mais chacune correspond à une ambiance particulière. I’ll Be Your Mirror est celle qui me correspond le mieux. En enregistrant ma version, j’ai eu le sentiment de pénétrer dans son univers, de le comprendre et de réussir à l’interpréter à ma façon. J’adore pouvoir projeter ce que je ressens sur la musique. D’une certaine manière, cela marche tout autant avec la façon dont le groupe a été perçu dans son histoire. J’ai l’impression qu’aujourd’hui c’est un groupe adoré et largement respecté, mais ça n’a pas toujours été le cas. C’est souvent compliqué de changer de statut quand l’underground devient populaire. Je crois que certaines personnes décident de les snober. Mais même si toute l’histoire d’un groupe est importante, son influence et sa place dans son contexte, c’est la connexion avec la musique qui l’emporte chez moi. Je pense même que ça conditionne notre perception de l’histoire d’un groupe. C’est pour ça que, quelque part, je suis heureuse de ne jamais avoir rencontré de membre du Velvet.”