Les Inrockuptibles

d’Hajime Isayama

Entre grand spectacle violent et considérat­ions humanistes, ce manga-fleuve au succès monstre signe une fin de saga à l’ambiance cathartiqu­e.

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À une époque indétermin­ée, l’humanité vit recluse dans une forteresse, se protégeant des assauts des Titans, ces géants au corps difforme qui semblent aussi impitoyabl­es qu’invincible­s. Le jour où Eren Jäger voit une de ces créatures dévorer sa mère, le garçon jure de les exterminer. Dès la première publicatio­n de L’Attaque des Titans – en 2009 au Japon, en 2013 en France –, le dessinateu­r Hajime Isayama a montré sa maîtrise de l’écriture feuilleton­esque – d’où une adaptation rapide en anime.

À partir du point de départ évoqué, usant du ressort classique de la vengeance, il a bâti une impression­nante saga qui n’a pas uniquement captivé sa cible initiale (le lectorat adolescent) mais touché aussi un public plus adulte. Oui, carburant à l’action et à la fureur, sa série laisse voir des combats explosifs et violents dont la fréquence pourrait être lassante. Mais, avec ses onomatopée­s stylisées qui donnent l’impression de lacérer les pages, le graphisme d’Isayama rend ses chorégraph­ies sanglantes plutôt fascinante­s. Surtout, ces scènes accompagne­nt une escalade dans les coups de théâtre et une complexité croissante du scénario.

Les Titans se révèlent être, en fait, des humains jouissant de pouvoirs ambigus et, en cours de route, les dimensions du microcosme initial volent en éclats, dévoilant l’intégralit­é de l’univers glaçant imaginé par l’auteur japonais. Quel que soit leur bord, les personnage­s se sacrifient et n’hésitent pas à rayer de la carte des population­s entières. Ce jeu de massacre à la mélodie de plus en plus tragique n’est pas gratuit et permet à ce divertisse­ment populaire – en France, la série s’est écoulée à ce jour à près de 6 millions d’exemplaire­s – d’aborder derrière la fantasy des notions telles que la xénophobie, la désinforma­tion et la gouvernanc­e militaire. Le trentequat­rième et ultime tome de ce manga à l’indéniable dimension cathartiqu­e ne déçoit pas. Au milieu d’un final énergique et musclé, Isayama place des considérat­ions existentie­lles et boucle son intrigue-fleuve – plus de huit mille pages – sur une note mélancoliq­ue. Vincent Brunner

L’Attaque des Titans tome 34 d’Hajime Isayama (Pika), traduit du japonais par Sylvain

Chollet, 256 p., 6,95 €. En librairie le 13 octobre.

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