“Où veux-tu que je te dépose ?/Tu m’as encore rien dit/T’aimes plus les mots roses/Que je t’écris”
Des paroles de chansons dont on se souvient : le choix d’Alex Beaupain, auteur, compositeur et interprète.
D’abord, j’ai cru que c’était une histoire d’amour et de rupture. On écoute toujours les chansons au premier degré la première fois, c’est la meilleure façon de les appréhender, je crois. Puis, j’ai appris qu’il s’agissait en fait d’une sorte de lettre ultime que Boris Bergman adressait à Bashung.
Ils s’étaient déjà perdus et retrouvés une fois, mais sur l’album Novice, dans lequel on entend Alcaline, Bergman a senti que Bashung s’éloignait de lui pour se rapprocher de Jean Fauque. J’ai aimé profondément cette idée qu’une chanson puisse signer la fin de l’histoire si intime qui liait son auteur et son compositeur. “T’aimes plus les mots roses/Que je t’écris ?” Pour avoir un peu vécu ce type de rupture, je sais savourer l’amertume teintée de tendresse de ces phrases-là.
Enfin, j’ai su qu’il y avait aussi là-dedans un message, si peu codé d’admiration, adressé par Bashung à Christophe. Les “mots roses” avant cette sublime reprise des Mots bleus quelques années après. La citation comme hommage, je connais aussi. Je crois que j’ai écrit une chanson qui s’appelait Au ciel parce que Madame rêve se terminait par ces mots, répétés ad libitum. J’aime l’idée qu’on redécouvre les chansons qu’on a aimées en fonction de ce qu’on en apprend ou tout simplement de ce qu’on vit. Le jour où, par exemple, j’ai compris que le “nier-Doua sseau-Rou” et sa toile dans Lemon Incest de Gainsbourg n’était pas une espèce d’araignée, mais un peintre naïf au patronyme détourné par le verlan, je crois que ça n’a pas été la moindre de mes épiphanies.
Alex Beaupain
(Because/Virgin Records). Sortie le 22 octobre. Retrouvez la critique de l’album p.150.