FANTASY ISLAND de Clinic
En égarant deux de ses membres, le groupe de Liverpool n’a rien perdu de son grain de folie.
Sept ans de réflexion ont été bénéfiques à Clinic qui, en 2019, revigoré, a fait son retour avec Wheeltappers and Shunters. La même année, le groupe de Liverpool, habitué à porter des masques avant que ça ne soit une nécessité, a conçu ce neuvième long format exubérant. Fantasy Island tire son titre d’une série télé américaine des années 1970-1980, soit L’Île fantastique en France. En visitant un endroit paumé dans le Pacifique, des gens peuvent voir se concrétiser leurs fantasmes. C’est, dans une certaine mesure, ce que réalise ici Clinic, qui revendique des disparates, influences du philosophe canadien Marshall McLuhan à Kid Creole & the Coconuts. Les éléments de langage promettent même un virage discofunk, ce qui se révèle audacieux – Clinic n’essaye pas d’imiter Jungle ni ne rivalise avec Chic.
Néanmoins, le duo désormais constitué d’Ade Blackburn et Jonathan Hartley – Brian Campbell et Carl Turney ayant disparu dans la nature – dévoile des envies de métissage ensoleillé comme sur On the Other Side…, downtempo beau comme du Angelo Badalamenti période Twin Peaks, ou une cover peu attendue de I Can’t Stand the Rain, tube soul d’Ann Peebles.
Si, au départ, elle sonne fidèle à l’original, cette excellente reprise bouscule la trame originelle pour la confronter à un Cabaret Voltaire qui mêlerait au rhythm’n’blues de la dissonance des éléments bruitistes.
L’inspiration et les ambitions de Clinic n’ont jamais pu entrer facilement dans des cases et Fantasy Island, traversé par des vents contraires et opérant, en direct, des décalages sonores, ne déroge pas à la règle. À l’image du morceau éponyme, garage rock sarcastique, rien ici ne tourne (en) rond. Les cinq minutes de Refractions (in the Rain), avec son riff de guitare sinueux, ses motifs synthétiques club et son chant schizophrène, constituent le sommet délirant de cet album dérangé.
Fantasy Island (Domino/ Sony Music). Sortie le 22 octobre.