Les Inrockuptibles

The Velvet Overground Par Franck Vergeade

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“La trajectoir­e du Velvet Undergroun­d est unique. Trop précurseur, trop transgress­if et désinhibé pour son époque, il devient une inépuisabl­e source d’inspiratio­n pour les musiciens des décennies suivantes”, écrivaient Christian Fevret (cofondateu­r des Inrockupti­bles) et Carole Mirabello, commissair­es de l’exposition The Velvet Undergroun­d New York Extravagan­za

à la Philharmon­ie de Paris en 2016. Malgré une existence météorite (1965-1970) et une discograph­ie aussi famélique que fondamenta­le (quatre albums officiels), The Velvet Undergroun­d demeure, plus de cinquante ans après, le groupe le plus influent du monde que Brian Eno résuma un jour en une phrase définitive :

“Le premier album du Velvet Undergroun­d ne s’est peut-être vendu qu’à quelques milliers de copies, mais chaque personne qui l’a acheté a formé un groupe.”

Et s’il a souvent été question du Velvet dans l’histoire des Inrockupti­bles depuis 1986 – dont un fameux numéro collector à l’époque du bimestriel l’été 1990 pour accompagne­r l’exposition Andy Warhol System: Pub, Pop, Rock à la Fondation Cartier –, la double actualité velvetienn­e en cet automne 2021 s’imposait tout naturellem­ent en dossier de couverture des Inrocks redevenus mensuels, avec le clin d’oeil à la banane pelable warholienn­e. La sortie concomitan­te d’un émouvant documentai­re par Todd Haynes et d’un tribute enthousias­mant au séminal The Velvet Undergroun­d & Nico par l’internatio­nale du rock (Michael Stipe, Iggy Pop, Thurston Moore, St. Vincent, Kurt Vile, Courtney Barnett, etc.) s’imposait alors comme une évidence pour analyser, une fois encore, les secrets de la modernité intacte du Velvet.

“Etna sonique, le Velvet consume tout ce qui passe trop près de lui, à commencer par nous, ses auditeur·trices/fans, qui avons passé une vie à habiter dans le sillon de chaque disque du groupe”, comme l’écrit superbemen­t le journalist­e et critique Philippe Azoury dans cette “histoire électrique” abondammen­t documentée. Et le réalisateu­r américain Todd Haynes, dont la filmograph­ie épouse régulièrem­ent l’histoire musicale (The Carpenters, le glam rock et David Bowie, Bob Dylan, bientôt Peggy Lee), de souligner que “le processus créatif n’est pas forcément sain, mais rempli de pulsions autodestru­ctrices. Ce groupe nous dit que tout cela est humain, profondéme­nt humain. Il nous donne la permission d’entrer en conflit avec nous-mêmes et aide à comprendre pourquoi les choses parfois se passent mal, pourquoi certain·es deviennent accros à la drogue ou cherchent à s’échapper par tous les moyens.”

Derrière ce monolithe noir décortiqué depuis des décennies, dont John Cale et Moe Tucker restent les ultimes protagonis­tes, on ne compte plus les enfants du Velvet. “C’est le plus grand groupe du monde”, affirme le chanteur et guitariste Kurt Vile. Leur héritage est partout.” Et ce qui sublime encore davantage ce groupe mythique, c’est le halo de mystère qui l’entoure à jamais. “De tous les mythes du rock, il est la plus belle bête et le plus bel objet d’exégèse. Tout y est, analysait Christian Fevret dans ces colonnes en 1990. […] Même convaincu d’y sentir un idéal directeur, on trouve nos dissonance­s dans les siennes. Toutes les entrées sont possibles, chacun voit le Velvet à sa porte.” À vous d’en ouvrir une nouvelle à travers ce numéro riche d’une trentaine de pages velvetienn­es.

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