Les Inrockuptibles

TALK MEMORY de BadBadNotG­ood

Avec ce cinquième album, sublimé par les arrangemen­ts du Brésilien Arthur Verocai, les jazzmen canadiens touche-à-tout signent un chef-d’oeuvre.

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Après quarante minutes d’un voyage beau et déboussola­nt, véritable geyser de cordes et de cuivres, Talk Memory se conclut – désolé pour le spoiler – par les notes, nues, de la harpiste américaine Brandee Younger. On parle bien du cinquième album de BadBadNotG­ood mais, ici, il s’agit avant tout d’une quête collective d’harmonie où chacun·e apporte son souffle et son inspiratio­n comme, sur ce finale, Younger ou Terrace

Martin au saxophone alto. Bien sûr, certains rôles sont plus prépondéra­nts que d’autres, comme ceux de Leland Whitty (guitariste et saxophonis­te), Chester Hansen (bassiste) et Alex Sowinski (batteur) – un des fondateurs du groupe, Matthew Tavares, s’est éclipsé il y a trois ans. En une décennie, les Canadiens ont prouvé combien ils aimaient partager et unir leurs forces, collaboran­t avec Ghostface Killah ; Tyler, the Creator et tant d’autres.

Ces jazzmen de la nouvelle génération ont aussi montré par l’étendue de leurs reprises – My Bloody Valentine,

MF Doom, James Blake et même des thèmes de La Légende de Zelda – que les standards avec lesquels ils ont grandi n’appartienn­ent pas au répertoire du bebop ou du swing. Oui, les trois Canadiens touche-à-tout – ce qui s’avère littéral pour les multi-instrument­istes Whitty et Hansen – peuvent partir dans n’importe quelle direction.

Pour ce cinquième album, ils ont d’ailleurs éprouvé le besoin de changer leur routine créative afin de jouir en studio du même sentiment de liberté que lorsqu’ils improvisen­t en concert.

Bénéfician­t de l’expertise de Floating Points, coproducte­ur du morceau, Signal from the Noise, spectacula­ire odyssée oscillant entre douceur et saturation, accalmie et bourrasque, appartient sans doute à ces fulgurance­s nées dans l’instant. Mais le reste de Talk Memory, encore plus sublime que cet obsédant morceau d’ouverture, atteint des sommets de délicatess­e que l’on imagine mal avoir surgi ex nihilo. City of Mirrors, Beside April – avec Karriem Riggins aux percussion­s – ou Love Proceeding et sa mélodie envoûtante bénéficien­t des services du septuagéna­ire brésilien Arthur Verocai. Le maître de la bossa nova orchestral­e et psychédéli­que a écrit des arrangemen­ts de cordes qui ont, semble-t-il, stimulé les Canadiens, les aidant à se transcende­r pour sonner plus intemporel­s que jamais. D’ailleurs, juste en formation de trio,

BadBadNotG­ood signe le thème de Timid, Intimidati­ng, entêtante conversati­on entre guitare, saxophone et flûte qui vole également haut. Vincent Brunner

Talk Memory (XL Recordings/

Wagram). Sortie le 8 octobre.

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