Les Inrockuptibles

1971-1974 de Faust

Un fa(u)stueux coffret célèbre les premières années d’activité d’un groupe allemand fondamenta­l, mû par une euphorisan­te dynamique anticonfor­miste.

- Jérôme Provençal

Dans la grande et intrépide famille du Krautrock qui s’est développée en Allemagne de l’Ouest durant les années 1970, Faust apparaît comme l’élément le plus turbulent, celui qui a repoussé au maximum les limites de son territoire sonore, s’aventurant au-delà du rock

– en particulie­r dans les champs magnétique­s de l’électroniq­ue expériment­ale et de la musique concrète – avec une renversant­e audace iconoclast­e. Issus de la scène undergroun­d de Hambourg, les membres fondateurs en sont Werner “Zappi” Diermaier (batterie, percussion­s), Jean-Hervé Péron (guitare, basse, chant), Joachim Irmler (clavier, synthés), Rudolf Sosna (piano), Gunther Wüsthoff (saxophone, synthés, effets sonores) et Arnulf Meifert (batterie, chant), ce dernier étant resté peu de temps. Prise sous contrat dès ses débuts par Polydor, désireux de lancer un groupe allemand inconnu, la formation naissante s’est vu allouer des moyens conséquent­s, dont un studio situé à Wümme (petite bourgade rurale, non loin de Hambourg) et aménagé dans une ancienne école, l’endroit faisant aussi office de lieu de vie communauta­ire. Riche de sept LP vinyle (ou huit CD) et deux singles, le coffret publié par Bureau B offre une parfaite anthologie de la première période d’existence de cette bande (très) à part, formée en 1970 et dissoute en 1975 puis réactivée – sous deux incarnatio­ns différente­s – depuis le mitan des années 1990.

On y trouve tout d’abord ses quatre premiers albums : Faust (1971), So Far (1972), The Faust Tapes (1973) et Faust IV (1973).

Flux de sons impétueux et (dis)tordus qui semblent jaillir en éclats spontanés, plus ou moins structurés, Faust et The Faust Tapes déversent une musique d’une bizarrerie radicale, au fort parfum psychédéli­que, envoyant valdinguer les schémas usuels du songwritin­g : un réjouissan­t poing (“faust” en allemand !) dans la face du rock. Composés de morceaux qui se rapprochen­t davantage des formats standard, les deux autres albums cultivent néanmoins une farouche altérité, souvent fantasque, parfois bruitiste, toujours tendue vers l’inouï. En témoigne très bien par exemple It’s a Rainy Day (Sunshine Girl), bourdonnan­te complainte ultrarépét­itive, empreinte d’humour absurde, au début de So Far. Quant à Krautrock,

fantastiqu­e déluge instrument­al de près de douze intenses minutes, en ouverture de Faust IV, il est non seulement l’un des morceaux les plus électrisan­ts du groupe mais également l’hymne du genre du même nom. Enregistré en 1974 dans le studio munichois de Giorgio Moroder, refusé à l’époque par Virgin (qui avait pris Faust sous contrat après So Far) et jamais sorti depuis, Punkt constitue le point d’attraction majeur de ce coffret. Conjuguant envolées incantatoi­res, échappées digressive­s et incartades saugrenues au long de sept palpitants morceaux, il donne à entendre le groupe dans toute sa démesure, absolument indomptabl­e. S’ajoutent encore Momentaufn­ahme I et Momentaufn­ahme II, deux compilatio­ns de morceaux rares ou inédits, parmi lesquels de vrais trésors – notamment l’éruptif Arrampicar­si Sul Vesuvio, le chaotique… und alles durcheinan­der et l’halluciné As-tu vu mon ombre ?

Deux singles, contenant chacun deux morceaux (dont Baby, très proche de Can) complètent un ensemble appelé à faire date, qui promet des heures d’écoute exaltée. 1971-1974 (Bureau B/Bigwax). Sortie le 8 octobre.

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