Les Inrockuptibles

LUCIFER ON THE SOFA de Spoon

- Arnaud Ducome

Du rock aux racines texanes bien affirmées. À quand le succès mérité pour ces perdants magnifique­s ?

Le destin du blues et du rock se joue parfois sur des routes striées de marques de pneus brûlés ou sur des carrefours poussiéreu­x. Robert Johnson y vendit son âme au diable contre une maîtrise inégalée de la guitare dans une déclinaiso­n afro-américaine du mythe faustien. Britt Daniel, leader de Spoon, a lui aussi rencontré Lucifer. L’ange déchu l’attrapa du regard, paresseuse­ment étalé sur le canapé du musicien ; tel un reflet lascif et inquiétant de sa propre incapacité à aller de l’avant, de sa solitude et de ses doutes créatifs. L’anecdote qui donne son titre à ce nouvel album de nos perdants magnifique­s du rock indie US fait écho à un changement musical réel pour le groupe. Avec ce dixième LP, Spoon délaisse sa pop enflammée, aussi brute que belle, pour un rock des origines : impeccable, direct et fun.

À part le manque de reconnaiss­ance du grand public, il n’y avait pourtant pas grand-chose à retoucher à leur riche histoire s’étalant sur plus de quatre décennies (si ce n’est fait, jetez donc une oreille sur l’excellent Kill the Moonlight, sorti en 2002, pour ne citer que lui). Délaissant l’approche plus electro de

Hot Thoughts, dernier LP paru en 2017, Spoon s’offre un véritable retour aux sources. Britt Daniel a d’ailleurs quitté Los Angeles, où il était installé depuis des années, pour revenir à Austin à l’automne 2019. Enregistré au cours des deux dernières années dans la capitale du Texas et ville natale du groupe, aux côtés de Jim Eno (batteur, fidèle complice et seul survivant des débuts),

Lucifer on the Sofa est un véritable plaisir rock. Daniel décrit l’album comme étant

“un son de rock classique par un gars qui n’a jamais saisi Eric Clapton”. On le comprend parfaiteme­nt. Simple, immédiat, touchant, le disque s’apprécie comme une chaude bourrasque texane en pleine face. Leur talent de mélodistes, leur maîtrise du contre-pied, tout est là, avec un surplus de guitares tranchante­s sur ces dix morceaux à la carrure franche. C’est le Jon Spencer Blues Explosion sous Ritaline, c’est ZZ Top en duo avec Townes Van Zandt, c’est une réussite. On le répétera, tel un mantra, à chaque nouvel album du groupe : offrons-leur enfin le succès qu’ils méritent !

Lucifer on the Sofa (Matador/Wagram). Sortie le 11 février.

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