Les Inrockuptibles

UNE JEUNE FILLE QUI VA BIEN de Sandrine Kiberlain

- Marilou Duponchel

L’actrice-cinéaste teinte d’une gravité historique bienvenue le récit d’entrée dans la vie adulte de sa gracile héroïne.

Pour son premier long métrage en tant que réalisatri­ce, Sandrine Kiberlain ne résiste pas à la tentation du récit d’apprentiss­age. Dans les pas chaloupés de sa jeune héroïne, ce sont évidemment les siens, ceux de la jeune cinéaste, qui s’écrivent avec élégance. Une jeune fille qui va bien réinvestit fidèlement cet éternel mythe de la beauté à la peau diaphane et aux pommettes rosées, ranimée ici en la personne de Rebecca Marder (ce premier grand rôle à l’écran s’ajoute à une carrière déjà foisonnant­e). Pourtant le film est bien plus retors que l’amabilité de son titre empreint d’ironie et la physionomi­e de son interprète ne le laisseraie­nt entendre.

Kiberlain a cette belle trouvaille qui consiste à faire jouer à plusieurs reprises à Irène, son double fictionnel, apprentie comédienne que l’on suit les mois durant sa préparatio­n au concours du Conservato­ire, un évanouisse­ment si bien reproduit qu’on le croit vrai. Derrière ce tour malicieux, c’est un état particulie­r du personnage et du monde qui se fait subtilemen­t éprouver, et il nous faudra, en effet, un certain temps avant de comprendre que le monde d’Irène est celui de la France des années 1940 et qu’Irène est juive.

Une jeune fille qui va bien ne cherche pas à reconstitu­er le passé, qui est aussi l’histoire familiale de Kiberlain. Il est au contraire dans l’épure, sans cesse animé par une forme de présent permanent qui menace de s’interrompr­e à tout moment, de se dérober sous les pas pressés d’Irène, la faisant s’écrouler pour de bon. Alors Irène vit à toute allure, aime sa famille (émouvante et joyeuse, recomposée sans mère, absente), le théâtre et bientôt un garçon. Elle ne voit que ce qu’elle veut voir et des lunettes de vue n’y changeront rien. En fixant son regard (le cadre) sur la vie qui s’écoule (le plan), elle résiste un peu à la mort. Une jeune fille qui va bien de Sandrine Kiberlain, avec Rebecca Marder, André Marcon, Anthony Bajon (Fr., 2021, 1 h 38). En salle le 26 janvier. Retrouvez Sandrine Kiberlain p.42.

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Cyril Metzger et Rebecca Marder.
→ Cyril Metzger et Rebecca Marder.

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