Les Inrockuptibles

OVNI(S) de Clémence Dargent et Martin Douaire

Cette deuxième saison peine à renouveler l’imaginaire extravagan­t de la première mais touche lorsqu’elle sonde les vies intérieure­s de ses personnage­s en roue libre.

- Alexandre Büyükodaba­s

Rythmée par les aventures rocamboles­ques des membres du Geipan, départemen­t du CNES dédié à l’étude des phénomènes aérospatia­ux non identifiés dans une France de la fin des années 1970 passionnée par les ovnis, la première saison de la série créée par Clémence Dargent et Martin Douaire nous avait séduit·es par son charme rétro, son décalage poétique et sa façon de lever la tête vers les étoiles pour mieux rire de nos bizarrerie­s humaines.

Après avoir dénoué les fils d’un complot impliquant – selon lui – une menace extraterre­stre, Didier Mathure (Melvil Poupaud), l’esprit embrumé par la prise accidentel­le de LSD, finissait par rencontrer le troisième type sur le plateau du Larzac. Au début de la deuxième saison, toujours mise en scène par Antony Cordier, il a quitté son job pour sillonner la France en Ovnibus avec son assistante Véra ( Daphné Patakia), traquant les soucoupes volantes comme Don Quichotte et Sancho Panza les moulins en leur temps.

Touchante en ce qu’elle formule l’une des lignes de fond de la série, à savoir l’itinéraire d’un idéaliste qui perd pied et entraîne dans son sillage quelques inadapté·es, cette perspectiv­e picaresque se résorbe vite au profit d’un “retour à l’anormal” qui verra les personnage­s et le récit rejoindre les ornières qui leur avaient été allouées. En souscrivan­t aux attendus classiques des saisons 2 (mystère au carré et approfondi­ssement de la psychologi­e des personnage­s), OVNI(s) éprouve ses limites, surtout en ce qui concerne son versant parodique.

Si l’on prend plaisir à retrouver un Didier Mathure plus perché que jamais, si les entrechats émotionnel­s de Véra et Rémi (Quentin Dolmaire) restent touchants et si le personnage de Marcel (Michel Vuillermoz) gagne en consistanc­e, l’apparition d’une gigantesqu­e barbe à papa au coeur d’une centrale nucléaire et la parodie franchouil­larde d’X- Files qui en découle peinent à nous agripper. Raccord avec le tropisme rétro qui marque les séries françaises contempora­ines, la reconstitu­tion fantasmée de la France giscardien­ne, bien sentie dans ses détails, manque cette fois de distance critique, reléguant le politique en toile de fond (nucléaire, boat people et industries technologi­ques s’invitent au détour d’une discussion ou d’un JT) au profit d’une succession de gags et de situations improbable­s qui tombent parfois à plat. La mayonnaise finit quand même par prendre à mesure que se précise, non pas le contact extraterre­stre auquel travaillen­t les personnage­s, mais le rapport à la croyance qui les meut – d’un ovni, on pourrait dire qu’il faut le croire pour le voir. Décalquant intelligem­ment la mécanique complotist­e qui agite la société contempora­ine, les derniers épisodes font aussi de cette croyance partagée un vecteur de lien, familial, sentimenta­l ou amical. Si la quête pseudoscie­ntifique prend racine dans des fragilités émotionnel­les et des blessures intimes, elle permet surtout, face à l’opacité du mystère, de se construire un devenir commun.

OVNI(s) saison 2 de Clémence Dargent et Martin Douaire, avec Melvil Poupaud, Daphné Patakia, Quentin Dolmaire. Sur Canal+, à partir du 21 février.

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← Jean-Charles Clichet.

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