Les Inrockuptibles

PHOTOGRAPH­Y

Le Japonais, membre du collectif Spew, publie un livre trapu dans lequel il sature ses photograph­ies pour mieux distordre à son aise un art furieux.

- de Koji Kitagawa Philippe Azoury Photograph­y (Area Books), 800 p., 45 €. En librairie.

Inutile de se mentir, le nom de Koji Kitagawa ne nous disait rien avant que l’on ouvre ce livre, petit, trapu, gros comme un annuaire, le second publié par une jeune maison d’édition parisienne, Area Books. Le titre paraît tautologiq­ue, sinon peu inspiré : Photograph­y. Mais une fois nos yeux plongés dans ses 800 pages, on comprend qu’il n’a rien d’une évidence : la photograph­ie est tout entière, tordue, malmenée, bousculée par Kitagawa. Un peu comme si Autechre ou Aphex Twin avaient décidé d’appeler un album Melody.

Ici, ce n’est que sérialité, brouillage, parasitage des signes. Kitagawa enregistre des saturation­s. Il lui est absurde de faire de la photograph­ie posément, calmement, tant il y a belle lurette que la photo n’est plus ce morceau de lumière et d’espace tombé d’un cadre naturel et apaisé. Que faire de ce medium, de son statut même, tandis que partout les écrans ont remplacé la civilisati­on ? Comment rendre compte de son importance quand la photograph­ie est devenue un signifiant vide, ou au contraire trop rempli, débordant : un égout. Et quelle image mettre en fin de livre lorsque soudain, et malgré tout, une clarté vient prendre place contre nous, demandant notre attention, nos bras ?

Ce livre pessimiste et rageur renverse, et instantané­ment on se souvient : Koji Kitagawa, on l’avait rencontré, il y a mille ans, quand les Japonais pouvaient encore venir à Paris. Il avait recouvert, lors d’une édition d’Offprint, une salle entière des Beaux-Arts de photos de lignes et de fréquences. Il codirigeai­t alors le fanzine Spew avec Daisuke Yokota et Naohiro Utagawa. Un grand furieux.

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